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Pas de changement dans les délais de recours contre les décisions de rejet des réclamations
Le délai de deux mois imparti au contribuable pour saisir le tribunal administratif en cas de rejet de sa réclamation ne court pas tant que l’administration n’a pas pris de décision expresse de rejet de celle-ci, qui doit être motivée et indiquer les voies et délais de recours.
C’est ce que le Conseil d’Etat vient de confirmer dans un arrêt CORTANSA du 7 décembre 2016 (n° 384309).
1) Le nouveau délai de recours contre les décisions implicites en plein contentieux
Les modifications des règles du contentieux administratifs introduites par le décret « JADE » (pour « justice administrative de demain ») du 2 novembre 2016 ont semé le trouble.
Rappelons qu’en cas de décision implicite de rejet de sa demande (résultant du silence gardé par l’administration dans les hypothèses où ce silence ne vaut pas acceptation de cette demande : voir SVA), le justiciable dispose en principe d’un délai de deux mois pour former un recours devant le juge administratif (article R. 421-2 du code de justice administrative).
Le 1° de l’article R. 421-3 du code de justice administrative prévoyait une exception : en matière de plein contentieux, le délai de recours ne commençait à courir qu’à compter de l’intervention d’une décision expresse de rejet (voir : recours devant le tribunal administratif).
L’article 10 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 supprime cette exception à compter du 1er janvier 2017.
Dès lors, on pouvait s’interroger sur les conséquences de cette modification du code de justice administrative (CJA) sur les règles de recevabilité en plein contentieux fiscal. Le contribuable doit-il contester la décision implicite de rejet de sa réclamation dans le délai de deux mois suivant la date de naissance de cette décision ?
Cette question est importante sur le plan pratique.
Pour le contribuable d’abord : lorsque celui-ci bénéficie du sursis de paiement, rien ne presse (avec ce bémol que le montant des intérêts de retard sera plus important si le tribunal, finalement saisi, rejette sa requête). Pour les avocats ensuite : lorsqu’ils ont des affaires similaires (séries), ils peuvent préférer soumettre quelques dossier au tribunal administratif et attendre un éventuel succès pour déposer les autres requêtes. Pour les tribunaux enfin qui risquent d’être saisis d’un plus grand nombre d’affaires semblables.
Il est vrai que le danger était grandement réduit du fait de l’exigence résultant des articles L. 112-3, R 112-5 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration. Selon ces dispositions, un accusé de réception est délivré qui
mentionne les délais et les voies de recours à l’encontre contre une éventuelle décision de rejet de la réclamation. Les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception ne lui a pas été transmis
ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation.
Or, en pratique, l’administration fiscale oublie souvent d’adresser cet accusé de réception aux contribuables. Mais qu’arriverait-il si l’administration fiscale s’avisait que ces règles, qui ne sont pas reprises dans le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, s’appliquent néanmoins à ses missions ?
Cette considération tirée de la pratique administrative ne peut donc pas fournir une solution solide et pérenne.
2) La justification de l’absence de l’absence de délai de forclusion en cas de rejet implicite de la réclamation contentieuse
Traditionnellement, cette solution jurisprudentielle se fondait sur les dispositions des articles 1938-1 et 1939-2 du code général des impôts codifiés ensuite respectivement aux articles R. 198-10 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales (LPF).
Selon l’article R. 198-10 du LPF, l’administration dispose d’un délai de 6 mois pour statuer sur la réclamation du contribuable.
L’article R. 199-1 du LPF prévoit quant à lui que l’action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l’avis par lequel l’administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l’expiration du délai de six mois prévu à l’article R. 198-10.
L’alinéa 2 du même article dispose toutefois que le contribuable qui n’a pas reçu la décision de l’administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l’expiration de ce délai.
Aucune autre disposition du LPF n’impartit de délai aux intéressés pour former un recours contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de six mois par l’administration.
Il en résultait donc, selon la jurisprudence, qu’aucune forclusion ne pouvait être opposée au contribuable qui, postérieurement à l’expiration du délai de six mois précité, présente une demande au tribunal administratif, tant qu’une décision expresse du service ne lui a pas été régulièrement notifiée (par ex : CE 9 mars 1983, n° 24363, 7e et 8e sous-sections).
Pour maintenir cette solution malgré la modification du CJA, le Conseil d’Etat s’appuie dans son arrêt CORTANSA sur les dispositions de l’article R. 772-1 du même code selon lesquelles : « Les requêtes en matière d’impôts directs et de taxe sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées dont l’assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales ».
Le contentieux fiscal est donc bien régi par des règles « spéciales ». Des considérations pratiques ne sont toutefois pas étrangères à cette solution…