La liquidation judiciaire, processus souvent redouté, engendre une profonde transformation du statut du débiteur en difficulté. Dès son ouverture, ce dernier se trouve dépossédé de l’exercice de certains droits et actions liés à son patrimoine. Cependant, il subsiste des exceptions cruciales qui préservent certains aspects de son autonomie juridique. Au cœur de ce délicat équilibre entre dépossession et préservation des droits propres, se dessine le portrait complexe d’un débiteur en liquidation judiciaire. Explorons ce sujet danse et complexe ensemble.
Sommaire de l'article
1. Le débiteur en liquidation judiciaire est dessaisi de l’exercice des droits et actions relatifs à son patrimoine
Dès l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens. La loi indique que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. Avocats en droit des affaires peuvent être essentiels dans ces situations.
Ainsi, le liquidateur judiciaire représente le débiteur dessaisi tout au long de la procédure.
Si le débiteur est une personne morale, le liquidateur exerce ainsi les fonctions de dirigeant. Si le débiteur est une personne physique, le liquidateur aura la maîtrise du patrimoine personnel du débiteur mais aussi de son patrimoine commun si ce dernier est marié.
Les actes juridiques accomplis par le débiteur au mépris de ce dessaisissement seront irréguliers et inopposables à la procédure collective (Cass. Com., 5 juillet 2005, n° 04-13.266). Les actes de procédure accomplis par le débiteur seul font pour leur part l’objet d’une nullité.
2. Le débiteur en liquidation judiciaire conserve la maîtrise de ses droits propres
Le dessaisissement du débiteur connaît néanmoins des limites.
Tout d’abord, il convient de rappeler la possibilité pour un débiteur entrepreneur individuel d’effectuer une déclaration d’insaisissabilité. Cela, afin de faire échapper certains biens immobiliers à ce dessaisissement.
Ensuite, et de manière générale, ce dessaisissement ne concerne que les droits patrimoniaux et les biens saisissables du débiteur.
Par conséquent, tous les droits attachés à la personne du débiteur, c’est-à-dire les droits propres aussi appelés droits extra-patrimoniaux, échappent au dessaisissement.
A contrario, les biens insaisissables tels que la fraction insaisissable du salaire, les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du débiteur et sa famille, les pensions alimentaires et touts sommes à caractère alimentaire, comme les sommes allouées au débiteur au titre de la réparation d’un préjudice corporel dans leur part alimentaire ou encore l’action en réparation d’une atteinte à la réputation sont autant de droits propres sur lesquels le débiteur conserve une maîtrise indépendante du liquidateur judiciaire.
Il en va de même concernant le domaine des successions dès lors qu’un héritier qui est partie à une instance d’opérations de compte, liquidation et partage d’une succession exerce des droits propres qu’une procédure de liquidation judiciaire ne peut remettre en cause (Cass. Com., 21 novembre 2018, n°17-12.761).
Sans être exhaustif, il est possible de revenir sur l’exercice de deux droits propres qu’un débiteur faisant l’objet d’une liquidation judiciaire est régulièrement susceptible d’exercer.
a. L’action en indemnisation d’un préjudice corporel est un droit propre que le débiteur peut exercer indépendamment du liquidateur judiciaire
Récemment, la Cour de cassation a rappelé qu’un débiteur faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et victime dans le même temps d’un accident de la circulation était indiscutablement recevable à agir seul à l’égard du tiers responsable en indemnisation de son préjudice corporel et moral (Cass. Com., 17 avril 2019, n° 17-16.688).
En amont, une Cour d’appel avait jugé cette action irrecevable en analysant le sort des sommes qui seraient perçues par le débiteur victime. La Cour a en effet considéré que cette indemnisation avait vocation à entrer dans le patrimoine du débiteur et que l’action corrélative relevait donc des pouvoirs du liquidateur judiciaire.
Cette argumentation n’a pas été retenue par la Cour de cassation qui a réitéré le principe selon lequel cette action pouvait être intentée par le débiteur seul, sans distinguer entre l’action en elle-même et le résultat de l’action.
b. L’action en divorce ou en fixation d’une prestation compensatoire est également un droit propre du débiteur
De la même manière, le débiteur peut intenter seul une action en divorce ou en fixation d’une prestation compensatoire. Il peut même y défendre (Cass. Com., 16 janvier 2019, n° 17-16.334).
Cette problématique aujourd’hui bien tranchée à fait l’objet d’hésitations jurisprudentielles.
En effet, dans un premier temps, la jurisprudence considérait que les effets patrimoniaux d’un divorce étaient inopposables à la procédure. En effet, la liquidation judiciaire entraîne d’office le dessaisissement du débiteur (Cass. Com., 26 avril 2000, n° 97-10.335).
Néanmoins, la Cour de cassation considère désormais qu’un liquidateur doit former tierce-opposition à l’encontre des dispositions d’un jugement de divorce. Cela vaut notamment pour les conséquences patrimoniales, afin de les rendre inopposables à la procédure (Cass. Com., 16 janvier 2019, n° 17-16.334). ; Cass. Civ., 1ère, 5 novembre 2008, n°06-21.256).
Il n’y a donc plus d’inopposabilité automatique des effets patrimoniaux d’un jugement de divorce à la procédure collective. Le liquidateur n’a pas le pouvoir de remettre en cause l’exécution patrimoniale de ce divorce. Cela vaut même pour un acte de disposition susceptible d’affecter les droits des créanciers.
En cas de contestations, le liquidateur judiciaire n’aura donc d’autres choix que de recourir à la tierce-opposition.
Les avocats de LLA AVOCATS sont à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches et vos contentieux afférents à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.