La vente d’un fonds de commerce est une opération très importante pour une société, surtout si cette dernière se trouve dans la phase de liquidation judiciaire. Le liquidateur tient alors le rôle principal de conservateur du gage commun des créanciers, puisqu’il a l’obligation d’agir dans leur intérêt. C’est le cas dans le cadre d’une action contre l’acquéreur du fonds de commerce prévue par l’article art.147-17 du code de commerce (Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-18.677) .
Sommaire de l'article
La protection des droits des créanciers du vendeur lors de la vente du fonds de commerce
Il est important de préciser en amont que la vente du fonds de commerce est soumise à des formalités particulières ayant pour but de protéger les droits des créanciers du vendeur. Ces formalités sont prévues par les article L. 141-12 et suivants du Code de commerce.
En effet, il est probable que le vendeur organise son insolvabilité après la vente du fonds de commerce et lèse certains créanciers, qui ne peuvent pas récupérer leurs créances. Ainsi, la vente doit faire l’objet d’une publication dans un journal d’annonces légales. Mais aussi au BODAAC dans les 15 jours de la vente. Cette publication permettra de faire connaitre, d’alerter tous les créanciers du vendeur pour qu’ils puissent effectuer une opposition en paiement du prix dans un délai de 10 jours après la dernière publication.
Cela signifie que l’indisponibilité du prix de la vente sera prolongée. Ainsi, l’acquéreur ne devrait pas en principe pouvoir faire un paiement entre les mains du vendeur.
Tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit exigible ou non peut faire opposition.
L’inopposabilité du paiement du prix de cession effectué avant l’expiration du délai de publication
Il arrive que l’acquéreur paie le prix de vente avant l’expiration du délai de dix jours. Ainsi, on pourrait penser que les créanciers du vendeur ne peuvent pas effectuer une opposition. Parce que le fonds de commerce est déjà sorti du patrimoine du vendeur. Néanmoins, une solution a été prévue par le Code de commerce. En effet, la combinaison des articles L. 141-12, L. 141-14 et L. 141-17 du code de commerce permet d’établir une inopposabilité du paiement de prix de cession à l’égard des créanciers (Cass. com., 24 mai 2005, n° 01-15.337), mais également à l’égard des tiers. La vente n’est pas remise en cause. Elle est uniquement inopposable à l’égard des tiers selon la Haute juridiction (Cass. com., 24 mai 2005, n° 01-15.337). L’acquéreur risque donc de payer une deuxième fois les créanciers du vendeur qui ne sont pas satisfaits de la vente. L’acquéreur n’est pas libéré à l’égard des tiers et des créanciers.
Il a ainsi intérêt à publier la vente afin de faire courir le délai de 10 jours nécessaire pour faire opposition.
Il est nécessaire de rappeler que l’inopposabilité du versement du prix par l’acquéreur du fonds de commerce avant l’expiration du délai bénéficie à tous les créanciers, qu’ils aient ou non fait opposition (Cass. com., 24 mai 2005, n° 01-15.337).
Le monopole du liquidateur judiciaire dans l’action en paiement contre l’acquéreur du fonds de commerce
Dans le cas particulier d’une entreprise mise en liquidation judiciaire, seul le liquidateur judiciaire est compétent pour pouvoir agir contre l’acquéreur du fonds de commerce. Cette solution a été donnée par un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 8 mars 2023 (Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-18.677, F-B : JurisData n° 2023-003008). Le créancier de l’entreprise, venderesse, mise en liquidation judiciaire, avait avancé qu’il était le seul à pouvoir agir sur le fondement de l’article L. 141-17 du Code de commerce. Cet argument a été rejetté par la Cour de cassation.
Pour expliquer cette position de la Cour de cassation, il faut se référer à l’article L. 622-20 du code de commerce. En effet, le liquidateur judiciaire d’une société soumise à une procédure de liquidation judiciaire est censé être le seul habilité à agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, en vue de reconstituer leur gage commun. Le liquidateur judiciaire a le monopole d’action dans l’intérêt collectif des créanciers du vendeur du fonds de commerce. Les créanciers ne peuvent donc pas agir individuellement ni contre leur débiteur ni contre le tiers (acquéreur du fonds de commerce). Cette action est irrecevable même s’ils avancent un préjudice propre distinct de celui des autres créanciers.
La raison de ce monopole réside dans le critère de “protection et reconstitution du gage commun des créanciers” (Cass com 2 juin 2015 n°13-24714). L’action en paiement dirigé contre l’acquéreur du fonds de commerce profite à tous les créanciers, non pas un seul. Ainsi, elle relève du liquidateur judiciaire.
Le cabinet LLA Avocats est à votre disposition pour tout renseignement en matière de droit des entreprises en difficultés et de cession de fonds de commerce.