Lorsqu’une entreprise est placée en liquidation judiciaire, les biens de cette dernière sont vendus afin de désintéresser les créanciers.
Cependant, il peut arriver que l’intégralité de l’actif de l’entreprise soit insuffisant pour désintéresser tous les créanciers.
On parle alors d’insuffisance d’actif et le tribunal prend la décision de clôturer la procédure.
Cependant, en cas de clôture pour insuffisance d’actif, les créanciers peuvent-ils engager des poursuites personnelles contre le débiteur?
Après avoir présenté le principe de non-reprise des poursuites individuelles en cas de clôture pour insuffisance d’actif (I), nous envisagerons la situation où il y a fraude du dirigeant (II)
Sommaire de l'article
I. La non-reprise des poursuites individuelles en cas clôture pour insuffisance d’actif
A. Champ d’application
L’article R. 643-16 du code de commerce dispose que :
» L’insuffisance d’actif est caractérisée lorsque le produit de la réalisation des actifs du débiteur et des actions et procédures engagées dans l’intérêt de l’entreprise ou des créanciers ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers. »
Selon cet article, si l’actif de l’entreprise est très insuffisant pour poursuivre la procédure, la meilleure solution est de la clôturer.
Toutefois, avant de clôturer cette procédure, il faut que le mandataire ait recouru à tous les moyens possibles pour payer la dette de l’entreprise.
B. Effet
L’article L.643-11 du code commerce dispose que : » I.-Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. »
Selon cette disposition, la clôture entraîne la non-reprise des poursuites personnelles. En d’autres termes, la clôture éteint la créance.
Si le dirigeant le demande, le mandataire-liquidateur peut remettre un certificat de non-recouvrabilité.
Toutefois, ce principe a des exceptions.
II. Les exceptions au principe de non-reprise des poursuites personnelles
A. Les différentes exceptions
L’article L.643-11, 1°, 2° et 3° du code de commerce énumère les exceptions au principe de non-reprise des poursuites personnelles :
- Les actions portant sur des biens acquis au titre d’une succession ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire
- Lorsque la créance trouve son origine dans une infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie ou lorsqu’elle porte sur des droits attachés à la personne du créancier
- Lorsque la créance a pour origine des manœuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale
Généralement, les créanciers retrouvent leur droit de reprise des poursuites personnelles dans les cas suivants :
- en cas de faillite personnelle du dirigeant,
- en cas de délit de banqueroute
L’article L.643-11, IV du code de commerce énumère tous les cas dans lesquels les créances recouvrent leur droit de poursuite individuelle.
La jurisprudence a eu à statuer sur ces exceptions.
B. Application jurisprudentielle
La cour de cassation n’hésite pas à reconnaître le droit de reprise des poursuites individuelles des créanciers.
C’est le cas dans un arrêt récent rendu le 26 juin 2019, n°17-31.236.
En l’espèce, un entrepreneur a obtenu un prêt. Le tribunal de commerce a ouvert une liquidation judiciaire à son encontre. Le prêteur a ensuite assigné l’emprunteur en remboursement de sa créance. 15 jours avant l’audience, le l’emprunteur a informé son créancier de l’existence d’une procédure de liquidation à son encontre. Le prêteur a demandé une autorisation de reprendre son action individuelle après la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif.
L’affaire est parvenue en appel. La cour d’appel a retenu l’existence d’un comportement frauduleux de la part de l’emprunteur et a, par conséquent, autorisé la reprise des poursuites individuelles à l’encontre de ce dernier. L’emprunteur a formé un pourvoi devant la cour de cassation.
La chambre commerciale a rejeté le pourvu en ces termes :
» Il résulte de la combinaison de l’article L. 643-11, IV, du code de commerce, selon lequel, en cas de fraude à l’égard d’un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur, et de l’article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, selon lequel les créanciers qui recouvrent l’exercice individuel de leurs actions et dont les créances n’ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun, textes qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n’ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles. »
La cour de cassation se montre très sévère envers le débiteur au comportement frauduleux.
La chambre commerciale reconnaît la reprise des actions individuelles de tout créancier. Les créanciers n’ayant pas déclaré leur créance lors de la procédure pourront aussi exercer ce droit.
La cour de cassation précise que :
» La fraude prévue à l’article L. 643-11, IV, du code de commerce n’impose pas que soit établie l’intention du débiteur de nuire au créancier. »
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