Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le dirigeant peut être tenu responsable de l’insolvabilité de la personne morale.
Ce dernier, s’il a organisé l’insolvabilité de son entreprise, peut être reconnu coupable du délit de banqueroute.
Après avoir étudié les conditions retenues pour retenir la qualification de banqueroute (I), nous verrons des cas concrets retenus par jurisprudence (II)
Sommaire de l'article
I. Le délit de banqueroute
L’article L.654-2 du code de commerce dispose que :
» En cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l’article L. 654-1 contre lesquelles a été relevé l’un des faits ci-après :
1° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
2° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ;
3° Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
4° Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ;
5° Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales. »
L’article L.654-1 du code de commerce précise la qualité de l’auteur de cette infraction : commerçant, artisan, agriculteur, personne exerçant une profession libérale, mais également les dirigeants de droit ou de fait ou les personnes physique représentants permanent des personnes morales.
A. L’élément matériel
La loi énumère cinq actes constitutifs du délit de banqueroute :
- Le recours à des moyens ruineux
- le détournement ou la dissimulation de l’actif
- l’augmentation frauduleuse du passif
- la tenue d’une comptabilité fictive ou l’absence de comptabilité
- la tenue d’une comptabilité incomplète
B. L’élément moral
L’auteur de l’infraction de banqueroute doit non seulement commettre les actes constitutifs de cette infraction, mais surtout en être conscient.
Ce dernier doit avoir sciemment organisé la banqueroute de l’entreprise.
C. Sanction
L’article L.654-3 du code de commerce nous donne le régime de répression du délit de banqueroute.
La loi punit ce délit de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.
Le délit de banqueroute est exclusif de l’abus de biens sociaux.
En effet, la jurisprudence retient la banqueroute pour des faits postérieurs à la date de cessation des paiements. (Cass. crim., 27 octobre 1999, n°98-85.651)
Enfin, la loi ne punit pas la tentative de banqueroute.
II. L’application jurisprudentielle
A. Quelques illustrations jurisprudentielles
La chambre criminelle a, dans un arrêt rendu le 6 décembre 1993, jugé que :
» constitue le délit de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, l’escompte de fausses factures et de traites de complaisance dont le coût ne peut qu’aggraver la situation financière de l’entreprise »
La cour de cassation apprécie rigoureusement les faits justificatifs de banqueroute.
En effet, dans un arrêt rendu le 27 avril 2000 (n° 99-85.192), la cour de cassation a, contrairement à sa jurisprudence en matière d’abus de biens sociaux commis par une société membre d’une groupe, refusé de considérer que l’intérêt de groupe peut constituer un fait justificatif en cas de poursuite pour banqueroute par détournement d’actifs.
La cour de cassation est également très rigoureuse lorsqu’elle apprécie la motivation des décisions des juges du fond.
B. L’exigence de motivation des décisions des juges du fond
Dans un arrêt récent du 16 octobre 2019 (n° 17-87.196), la chambre criminelle a partiellement cassé un arrêt de la cour d’appel qui condamnait des dirigeants pour banqueroute et recel.
La Cour de cassation a rejeté les moyens relatifs à la caractérisation de l’infraction, mais a accueilli ceux relatifs aux condamnations prononcées.
La chambre criminelle a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir justifié sa décision au regard des articles 132-19 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale. En effet, l’article 132-19 du code pénal dispose notamment dans son alinéa 4 que : » Le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale conformément aux dispositions de l’article 464-2 du code de procédure pénale. »
Au surplus, l’article 593 alinéa 1 du code de procédure pénale dispose que : » Les arrêts de la chambre de l’instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif. »
La Cour de cassation se montre donc très rigoureuse en l’espèce, car dès lors que les prévenus étaient présents à l’audience, ils pouvaient répondre à toutes les questions des juges leur permettant d’apprécier la faisabilité d’une mesure d’aménagement.
L’absence d’éléments suffisants sur la situation actuelle des dirigeants ne permettait donc pas de justifier la décision.
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