La procédure collective fait intervenir de nombreux acteurs, de nombreux mandataires judiciaires. L’administrateur provisoire fait partie de ceux désignés par le juge pour agir dans l’intérêt de la société en difficulté. Sa responsabilité peut être engagée, surtout lorsqu’il a pu agir, mais ne l’a pas fait, au détriment d’un tiers.
Sommaire de l'article
Comprendre le rôle de l’administrateur provisoire
L’administrateur provisoire est un mandataire judiciaire dont la compétence est limitée dans le temps.
L’administrateur provisoire, un mandataire judiciaire comme le mandataire ad hoc
Comme le mandataire ad hoc, l’administrateur provisoire est une institution prétorienne, c’est-à-dire désignée par un tribunal. Il est désigné lorsque la société connaît une crise grave pouvant mettre en danger son fonctionnement normal. Néanmoins, il se distingue du mandataire ad hoc pour plusieurs raisons.
D’une part, la désignation de l’administrateur provisoire ne peut se faire qu’en de situations exceptionnelles. Il s’agit d’une solution de dernier recours, lorsque aucune autre solution n’est envisageable. En effet, il s’immisce dans la gestion de la société en exerçant les rôles des organes sociaux. Ces derniers ne peuvent pas dans ce cas exercer leurs missions normales. On peut donc dire qu’il y a atteinte à la souveraineté des associés.
Selon la Cour de cassation (C.Cass, 18 mai 2010, N°09.14.838), la désignation d’un administrateur provisoire doit être motivée par l’existence d’un péril imminent auquel est exposé l’intérêt social. En outre, il faut également qu’il y ait une atteinte au fonctionnement normal des organes sociaux. Ces conditions sont prévues aux articles 808 et 809 du Code de procédure civile.
D’autre part, contrairement à cet administrateur provisoire, le mandataire ad hoc est uniquement chargé d’une mission précise. Cette mission peut ne pas être aussi invasive que celle de l’administrateur provisoire (ex: convoquer une assemblée générale). Ainsi, sa désignation n’a pas à respecter les deux conditions suscitées.
La procédure de désignation de l’administrateur provisoire
L’administrateur provisoire intervient lorsque la direction de l’entreprise n’est pas assurée ou lorsque l’intérêt social n’est plus au centre des décisions. On peut citer le cas d’un conflit entre des associés qui empêchent une prise de décision concernant le fonctionnement normal de la société. C’est également le cas d’une absence de dirigeant. L’administrateur provisoire prend temporairement la place des dirigeants sociaux.
La demande de désignation de l’administrateur provisoire est introduite par requête adressée au Président du tribunal du ressort d’immatriculation de l’entreprise concernée selon l’article 875 du CPC et l’article 845 du CPC. Selon ces articles, le tribunal compétent peut être le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire. Par ailleurs, il faut que le requérant justifie un intérêt légitime. Il s’agit par exemple des associés, des salariés, des créanciers, des contractants…
Néanmoins, le Procureur de la République peut également agir et présenter une requête. La procédure devant le juge n’est pas contradictoire dans certains cas en raison de l’urgence. Il faut préciser que l’immixtion du juge dans la vie de la société n’est pas sans inconvénients, car la rémunération de l’administrateur est à la charge de la société. En outre, il y a un risque de déstabilisation de la gérance.
La résiliation tardive du bail, une faute de l’administrateur provisoire
Chargé de défendre les intérêts de la société, l’administrateur doit prendre des décisions comme résilier des contrats.
Les missions de l’administrateur provisoire
- L’administrateur provisoire doit prendre des décisions nécessaires à la conservation de l’actif social.
- Il doit également faire tout son possible afin que les organes normaux de la société puissent reprendre leurs fonctions habituelles.
- Bien que provisoires, les missions de cet administrateur permettent à la société de continuer son fonctionnement.
- Il doit ainsi, s’il n’y a aucune précision de la part du juge, se substituer totalement au dirigeant.
De ce fait, il est investi de tous ses pouvoirs. À titre d’illustration, il convoque l’assemblée générale de la société et gère les affaires courantes (3e Civ, 1er octobre 2017). Il assure la préservation de l’intérêt des salariés, des associés, voire même des tiers.
La nécessité d’une résiliation du bail dans le cadre d’une procédure collective
L’administrateur provisoire peut être désigné pour une mission précise, notamment d’amener les cocontractants à un accord.
Dans une affaire (Cass. Com, 23 novembre 2022, 21-14.250) portée devant la Cour de cassation, l’administrateur était chargé d’assurer que les parties à un bail commercial conviennent sur plusieurs points.
D’abord, les parties doivent convenir de poursuivre le contrat, de convaincre le bailleur de renoncer à la résiliation. Les parties devaient également convenir que le preneur reconnaisse sa dette et obtienne un délai de paiement. Néanmoins, la situation du preneur s’était aggravée et une procédure de redressement judiciaire a été ouverte contre lui. L’administrateur a finalement décidé de résilier le bail.
Plus tard, ce redressement judiciaire s’était converti en liquidation judiciaire et la responsabilité de l’administrateur est remise en question. Le bailleur engage la responsabilité de l’administrateur en tant que victime. En effet, son inaction face à la situation du preneur a engendré un préjudice pour lui en tant que créancier. Le preneur ne pouvait pas payer les loyers au su de l’administrateur. Les impayés lui sont, selon le bailleur, imputables.
Il est important de rappeler que la continuation du bail est le principe dans une procédure collective. Toutefois, sa résiliation, à l’initiative du bailleur ou de l’administrateur, est justifiée lorsque le preneur ne paye plus ses loyers.
Les recours contre l’administrateur provisoire pour engager sa responsabilité
L’inaction de l’administrateur provisoire est une faute. Sa responsabilité peut être engagée devant le tribunal.
1. La nature de la responsabilité de l’administrateur provisoire
Pour pouvoir engager sa responsabilité et obtenir réparation, il faut donc rechercher s’il a accompli ses missions en bon père de famille. Comme tous les mandataires de justice, la responsabilité de l’administrateur provisoire est civile délictuelle. Elle n’est pas contractuelle puisque l’administrateur n’est pas lié à contrat. Dans certains cas, sa responsabilité pénale peut être engagée, notamment dans le cadre d’un abus de biens sociaux.
Dans le cas d’une résiliation tardive d’un contrat de bail, sa responsabilité délictuelle est engagée, car il y a une “perte d’une chance d’éviter que le passif comporte des loyers à venir” (Cass com 23 novembre 2022 n°21-14250). Il faut que le bailleur justifie ce préjudice. Par exemple, le bailleur augmente son passif et doit également attendre la clôture de la procédure de liquidation judiciaire avant de se faire rembourser.
Toutefois, si la mission de l’administrateur est uniquement une mission de surveillance, sa responsabilité ne peut être engagée sur la base de la résiliation tardive du bail (Cass com 7 octobre 2020 n°19-14807).
2. Le fondement de la réparation : la perte de chance
La perte de chance est l’unité de mesure de la réparation octroyée au bailleur. Ce principe se base sur l’article 1240 du Code civil (ancien 1382). Pour réparer ce préjudice, le juge ne doit pas se référer aux loyers non perçus entre la date de jugement d’ouverture de la procédure collective et la résiliation. Le raisonnement de la Cour de cassation est qu’il y a un aléa qui empêche ce calcul.
En effet, il n’est pas certain que le matériel soit reloué aux mêmes montants et conditions si le contrat avait été résilié plus tôt. En d’autres termes, il est incertain que le bailleur ait reçu les mêmes loyers s’il y a eu résiliation du bail avant l’ouverture de la procédure collective.
Le cabinet LLA Avocats se tient à votre disposition pour accompagner et défendre les actionnaires qui souhaitent faire désigner un administrateur provisoire.