Le principe est que lors de l’ouverture de la procédure collective, les poursuites individuelles contre le débiteur sont interdites (C. Com. art. L 622-21, L 631-14 et L 641-3). Ce principe concerne toutes les créances nées avant le jugement d’ouverture. Le but est d’assurer que le débiteur puisse rembourser tous les créanciers, et que ces derniers se trouvent au même pied d’égalité. Les tiers à la procédure collective ne bénéficient pas de ce principe, notamment le dirigeant. Ce dernier peut toujours faire l’objet de poursuites des créanciers ou même de l’administration fiscale pour plusieurs raisons.
Sommaire de l'article
Le principe d’interdiction des poursuites individuelles
Le principe d’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur est nécessaire pour le bon déroulement de la procédure d’apurement du passif.
La signification du principe
Le principe de l’interdiction des poursuites individuelles est aussi connu comme étant le principe d’arrêt des poursuites individuelles. Il est prévu par l’article L622-21 du Code de commerce. Il s’agit d’un principe d’ordre public interne et international (Cass civ 1ère, 6 Mai 2009 n°08-10281). Le juge doit relever d’office cette exception. Le principe signifie que tous les créanciers ne pourront plus poursuivre le débiteur pour se faire payer. En effet, les poursuites effectuées par certains créanciers peuvent nuire aux autres créanciers.
Les poursuites interdites sont de toute nature, notamment l’action pour le paiement d’une somme d’argent, la résolution du contrat… Selon la Cour de cassation, le principe doit être appliqué même si le débiteur a été de mauvaise foi et n’a pas informé ses créanciers de sa mise en procédure collective (Cass. Com. 6-6-2018 n° 16-23.996 F-PB) alors qu’ils ont intenté un recours contre lui.
Les intérêts de l’arrêt des poursuites individuelles
L’essence principale de ce principe est d’assurer un traitement égalitaire de tous les créanciers. Tous les créanciers doivent être tous payés. Il faut donc que le patrimoine du débiteur ne soit pas réduit avant les paiements. Il faut, par ailleurs, donner la possibilité au débiteur de régulariser sa situation et de l’améliorer afin de, soit continuer l’exploitation, soit de payer au maximum les créanciers. La suspension des poursuites permet aussi aux créanciers d’avoir le temps de déclarer leurs créances afin qu’ils puissent être désintéressés.
Le bénéficiaire : le débiteur uniquement
Les dirigeants de la société ne bénéficient pas de cette suspension des poursuites.
Les dirigeants, écartés
Les dirigeants de la société ne peuvent se prévaloir de ce principe d’interdiction des poursuites individuelles contre les actions dirigées contre eux. En cas de fautes personnelles du dirigeant, le jugement d’ouverture de la procédure collective n’entraîne pas la suspension des poursuites individuelles. Cette position a été celle de la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt rendu le 12 avril 2021, et a été entérinée par la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mars 2023. Dans le cas d’espèce, l’administration des douanes est fondée d’agir contre le dirigeant, personne solidaire, pour avoir permis et facilité la commission de la fraude.
Elle se base sur les articles 1799 et 1799 A du Code général des impôts (CGI). Le dirigeant a dans cette affaire été poursuivi pour non-paiement des droits et contributions indirectes sur des boissons importées par la société. C’est aussi la même solution pour les infractions fiscales. L’unicité de la seule créance fiscale et douanière sur la société et sur lui ne le fait pas bénéficier de ce principe. En matière d’agissements délictueux commis par le dirigeant, le principe ne s’applique pas. La constitution de partie civile est possible au pénal (Cass. crim. 23-5-1995 n° 94-81.673).
En conclusion, le dirigeant est considéré comme un tiers à la procédure collective. Son patrimoine ne constitue pas le gage des créanciers.
L’exception : extension du bénéfice de l’interdiction au dirigeant
Le dirigeant peut néanmoins bénéficier de l’interdiction des poursuites individuelles. C’est le cas lorsqu’il ne s’est pas acquitté du passif social mis à sa charge. Il y a extension de la procédure de redressement judiciaire à son encontre. L’administration fiscale, par exemple, perd son droit de poursuites individuelles.
En outre, un dirigeant qui est également associé dans une société de personne est indéfiniment et solidairement responsable du passif social. Lorsque la société est déclarée en redressement judiciaire, le dirigeant est également mis en redressement. Le comptable public par exemple, fait face à la suspension des poursuites individuelles et doit déclarer sa créance au passif de la procédure. C’est le cas d’un dirigeant d’entreprise individuelle. Toute voie d’exécution est, par ailleurs, interdite de la part des comptables publics au titre des créances antérieures au prononcé du jugement.
Le sort des cautions
En principe, la caution ne bénéficie pas de la suspension des poursuites individuelles. Il y a une exception. La caution physique, dirigeant, peut bénéficier de l’interdiction des poursuites individuelles. En effet, il s’agit de favoriser, le plus rapidement possible, le redressement de la société. Car il peut être récalcitrant dans la demande d’ouverture d’une procédure collective par peur d’une poursuite.