Lorsqu’un associé sort de la société, à la suite d’une exclusion ou d’un retrait, il est procédé à la cession ou au rachat de ses droits sociaux.
Dans certains cas, un contentieux peut apparaitre concernant le prix de ces droits. En effet, si le cédant (l’associé exclu ou retrayant) et le cessionnaire (un autre associé ou la société) n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le prix, dans ce cas, la loi prévoit le recours à un expert.
Sommaire de l'article
Le principe et les conditions d’application de recours à un expert
L’expertise de l’article 1843-4 du Code civil est prévue dans les termes suivants :
« I. – Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II– Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur ne soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties. »
Ainsi, on peut en déduire que ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque soit le prix de cession ou de rachat est déterminé ou déterminable, soit qu’il s’agisse d’une cession ou d’un rachat extrastatutaire.
Quel doit être l’objet de l’expertise ?
L’article s’applique au domaine strictement limité de la cession des droits sociaux d’un associé, ou du rachat de ceux-ci par la société, qu’elle soit civile ou commerciale. Ainsi, lorsque l’associé cédant refuse d’accepter le prix qui lui est proposé, il est institué en sa faveur une procédure de détermination de la valeur des droits sociaux.
Il faut une contestation entre les parties sur le prix de vente
Il y a contestation quand il y a désaccord sur le montant du prix de cession. En effet, la désignation d’un expert n’est possible que si la contestation oppose les seules parties à la cession ou au rachat des droits sociaux.
L’existence d’une contestation sur le prix de cession des parts sociales relève de l’appréciation souveraine des juges du fond a estimé la Cour de cassation dans un arrêt rendu par la 2ème chambre civile en date du 14 octobre 2010.
Enfin, le prix des droit sociaux ne doit être ni déterminé ni déterminable. Les contours de cette notion ne sont pas encore déterminés ni par le législateur ni par la jurisprudence. La jurisprudence a déjà défini les contours de cette notion en matière de prix de vente
Qui désigne l’expert ?
L’expert est désigné soit par les parties qui s’accordent sur le choix de l’expert soit, à défaut d’accord, par le juge.
C’est le président du tribunal qui procède à la désignation en cas de désaccord des parties. Ce pouvoir de désignation correspond à une compétence exclusive du président du tribunal. L’ordonnance rendue par le président désignant l’expert est sans recours possible.
L’expert qui détermine le prix des droits sociaux doit être indépendant des parties. Ainsi, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur la question dans un arrêt en date du 2 décembre 1997 dans une affaire où l’expert a été consultant financier auprès du président d’une société du groupe auquel appartient la société cessionnaire, durant les deux années antérieures à la vente. L’expert n’est pas considéré comme impartial.
Comment sont limités les pouvoirs du président du tribunal de commerce ?
La Cour de cassation ouvre la voie pour la première fois au pourvoi en cassation-nullité en matière d’expertise 1843-4 du Code civil.
La Cour vient donner des précisions sur les pouvoirs du président du tribunal dans le cadre de ce pourvoi en cassation-nullité.
Dans un arrêt inédit rendu en date du 7 juillet 2021, la Cour de cassation a considéré que constitue un excès de pouvoir le fait, d’une part, pour le président du tribunal de Commerce de déclarer inopposable à l’associé exclu les statuts modifiés en assemblée générale extraordinaire pour l’évaluation du prix de rachat de ses actions. D’autre part, le fait de désigner un expert afin de déterminer la valeur de ces actions.
En effet, la Cour de cassation affirme qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal, saisi sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, de trancher la contestation relative à la détermination des statuts applicables.
En quoi consiste la mission de l’expert ?
L’expert ne tranche pas le litige. Il n’a pas vocation à trancher la contestation en tant que telle.
Sa seule et unique mission est d’évaluer le prix des droits sociaux en cause.
A qui incombent les frais d’honoraires de l’expert ?
Les statuts peuvent indiquer la partie à laquelle incombera la charge de ces frais.
Si le statuts ne prévoient rien, l’expert précise, dès la rédaction de sa lettre de mission, signée par toutes les parties, comment se répartira la charge de ses honoraires, ainsi que leur montant.
C’est ce qu’estime la Cour de cassation, en retenant que :
« sauf disposition légale contraire, la charge du paiement des honoraires de l’expert désigné en application de l’article 1843-4 du Code civil est fixée par convention entre l’associé retrayant et la société ; qu’à défaut de convention, la détermination de cette charge relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ».
Ainsi, on peut penser que son application est automatique lorsque les conditions précédentes sont remplies.
Cependant, il est possible de l’écarter par l’utilisation d’un mécanisme : la clause compromissoire.
Exclusion de l’application de l’article 1843-4 du Code civil : la rédaction d’une clause compromissoire
L’article 1442 du code de procédure civile définit la clause compromissoire de la façon suivante :
« La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats.
Le compromis est la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l’arbitrage. »
Par suite, le cédant et le cessionnaire de droit sociaux peuvent s’engager à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat, y compris celui relatif à la valeur du remboursement des parts sociales de l’associé retrayant ou exclu et que l’évaluation des parts sociales entre dans le champ de la clause d’arbitrage.
Ainsi, dans un arrêt important en date du 10 octobre 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation a reconnu le caractère d’ordre public de l’article 1843-4 du Code civil mais juge que cela n’a pas pour conséquence d’exclure la possibilité qu’une clause compromissoire accorde à l’arbitre le pouvoir d’évaluer et de fixer le prix de rachat de parts sociales.
Cette clause compromissoire n’est pas « manifestement inapplicable ou nulle ».
La Cour de cassation ouvre alors une possibilité de se soustraire à l’application de cet article.
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