La tierce-opposition est une voie de recours utilisée fréquemment dans la procédure civile, et plus particulièrement dans le cadre du contentieux en droit des entreprises en difficulté où des enjeux majeurs sont en jeu. Souvent, c’est un associé qui s’oppose à un plan de redressement qui lui est défavorable. Le juge est alors confronté à un choix difficile entre la garantie d’une justice, au bénéfice de cet associé, et l’intérêt et la survie de la société. La question de la recevabilité de cette voie de recours extraordinaire a fait l’objet de nombreuses décisions de la Cour de cassation.
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La recevabilité de la tierce opposition
La tierce opposition est une voie de recours extraordinaire, c’est-à-dire un recours au profit de ceux qui n’ont pas été parties, qui n’ont pas été représentées dans l’instance d’attaquer une décision de justice qui leur est préjudiciable.
Le cadre juridique de la tierce opposition (Article 583 CPCIV et l’article L661-1 du code de commerce)
La tierce opposition est prévue par les articles 582 et suivants du Code de procédure civile. Du fait de cette spécialité, il est donc nécessaire de prouver que la personne qui l’exerce ait un intérêt. De plus, l’article prévoit également une condition supplémentaire : l’absence de qualité de partie et l’absence de représentation de la personne au jugement qu’elle attaque. Le cas échéant, la voie de recours recevable est l’appel ou le pourvoi en cassation.
Pour le cas des associés, la jurisprudence semble être très stricte et effectue une restriction dans la conception des voies de recours des associés afin de ne pas perturber le redressement de la société en difficulté.
Pour le cas de la tierce opposition effectuée par l’associé contre le plan de redressement, l’article L661-2 du Code de commerce précise que les décisions mentionnées à l’article L661-1 du même code sont susceptibles de tierce opposition. Parmi les décisions, il y a la décision de sauvegarde en redressement judiciaire.
La preuve de l’intérêt à agir de l’associé – Est-ce nécessaire ?
Si l’on se fie uniquement aux dispositions de l’article 582 du Code de procédure civile, l’associé ne devrait pas pouvoir faire de tierces oppositions. En effet, il serait ainsi primordial que l’associé qui fait la tierce-opposition invoque ses moyens propres. C’est pourquoi, dans la plupart des décisions des juges du fond, déclarant irrecevable la tierce opposition, ils considèrent que les moyens invoqués par l’associé ne lui sont pas propres, mais ont tous été soulevés par la société débitrice qui le représente déjà. En outre, il s’agit souvent, selon ces juges, de moyens communs à tous les actionnaires.
Toutefois, la jurisprudence a statué sur ce problème (Com. 15 nov. 2017, n° 16-14.630, Bull. civ. IV, n° 154) en avançant que l’action de l’associé est recevable si celui-ci peut invoquer soit un moyen qui lui est propre, soit la fraude à ses droits.
D’une part, le mot “moyen propre” ne signifie pas exclusif des autres associés. Ces derniers peuvent également invoquer un moyen tout en lui étant propre. Un moyen qui n’est pas propre est l’atteinte indirecte du patrimoine de l’associé du fait de l’atteinte de celui de la société. Le moyen propre par contre est l’atteinte directe aux droits de l’associé comme l’atteinte à sa qualité d’actionnaire ou du droit préférentiel de souscription.
D’autre part, la fraude aux droits de l’associé peut être le non-respect de son droit à un procès équitable prévu par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH).
La tierce opposition contre le prononcé d’un plan de redressement préjudiciable à l’associé
Dans la majorité de la jurisprudence, la tierce opposition de l’associé est dirigée contre un plan de redressement qui lui est défavorable. En effet, il arrive que le plan de redressement prévoit son éviction de la société et menace ainsi sa qualité d’associé. Le jargon juridique utilisé est le coup d’accordéon.
Par exemple, dans une décision de 2021 (Cass. com., 31 mars 2021, n°19-14.839), un assouplissement du régime de la tierce opposition a été observé. La réduction du capital d’une société anonyme (SA) à zéro puis son augmentation réservée à un unique actionnaire constitue un moyen propre à l’actionnaire qui a été évincé de la société et dont le droit préférentiel de souscription a disparu.
C’est également le cas dans un arrêt rendu le 8 février 2023 (21-14.189) dans lequel la réduction puis l’augmentation du capital ont été réalisées au profit des actionnaires qui se sont engagés à exécuter le plan.
Cette réduction à zéro puis l’augmentation du capital permet d’assainir la situation financière de la société. Il s’agit d’un apurement des pertes qui nécessite l’éviction définitive de certains actionnaires.