Le prononcé du jugement de liquidation marque l’effacement et le dessaisissement de la personne du débiteur. En effet, selon l’article L. 641-9 du Code de commerce, le débiteur n’a plus la compétence de l’administration et la disposition de ses biens. Ainsi, le liquidateur prend sa place dans le cadre des actions. Néanmoins, l’effacement n’est pas absolu. Il ne s’agit pas de la disparition de tout exercice des droits et actions du débiteur. Nombreux actes et actions restent encore entre les mains du débiteur en liquidation. Ce dernier conserve certains droits appelés “droits propres du débiteur”. En matière de partage successoral, lequel est personnel au débiteur, ce principe de dessaisissement reste t-il applicable ?
Sommaire de l'article
Le principe avant l’ordonnance de 2014 : dessaisissement du débiteur pour les questions successorales
Avant 2014, la règle a été le dessaisissement du débiteur. Ainsi, la réalisation de ses biens relevait encore du liquidateur.
Le principe et limites du dessaisissement du débiteur dans le cadre de la liquidation judiciaire
En principe, à partir de la date du jugement de la liquidation judiciaire, le liquidateur devient le seul compétent pour agir sur le patrimoine du débiteur. On peut dire que le liquidateur est dans un état de quasi-incapacité. Le fondement de ce dessaisissement repose sur le souci de bon déroulement de la procédure de liquidation judiciaire.
Ainsi, par exemple, il peut arriver que le débiteur bénéficie d’une succession durant la période de la liquidation. La question qui se pose est de savoir s’il a la possibilité d’agir dans ce cadre ou si le dessaisissement s’étend dans le domaine de la succession. En effet, il est admis que malgré ce dessaisissement du débiteur, il continue à exercer ses droits propres.
Le concept de droit propre est à définir. Il s’agit des droits extra-patrimoniaux, rattachés à la personne même du débiteur. Le débiteur peut donc les accomplir seul et il est interdit au liquidateur de les exercer. Ce sont entre autres les actes sur les questions de mariage, de changement de régime matrimonial, de divorce, d’adoption, de succession.
En ce qui concerne la succession, la Haute juridiction a décidé que la faculté d’accepter ou de renoncer à une succession ouverte après l’ouverture de la liquidation judiciaire relève des droits propres du débiteur. Le liquidateur n’a donc pas la possibilité de l’exercer à la place de ce dernier.
Néanmoins, il peut, dans l’intérêt des créanciers, accepter la succession si la renonciation à celle-ci nuit aux créanciers (Cass. com. 9 novembre 2004 n° 1609) sur la base de l’article 788 du Code civil. C’est une sorte d’action oblique étant donné que ma renonciation est un risque de diminution du gage général des créanciers.
La réalisation des biens successoraux acquis après l’ouverture de la liquidation judiciaire
Il faut préciser que le problème ne se pose pas pour les successions ouvertes avant le jugement de liquidation judiciaire. La situation qui pose problème, c’est la réalisation des biens acquis dans le cadre d’une succession ouverte après le prononcé de la liquidation judiciaire. Avant 2014, cette réalisation, le débiteur était dessaisi. Tant que la procédure de liquidation judiciaire n’est pas clôturée, ce dessaisissement est en vigueur quelle que soit la durée de la procédure de liquidation judiciaire.
Selon la Cour de cassation, tant que la liquidation judiciaire est justifiée, même en violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable (CA Agen, ch. civ., 17 mai 2023, n° 22/00865).
La nécessité de l’accord préalable du débiteur pour la réalisation des biens successoraux (après 2014)
Depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, les biens reçus, ainsi que les droits acquis dans le cadre d’une succession ouverte après le prononcé de la liquidation judiciaire, ne peuvent être réalisés sans l’accord préalable du débiteur. Cette règle est uniquement applicable aux procédures ouvertes à compter du 1ᵉʳ juillet 2014. Par ailleurs, le partage de l’indivision découlant d’une succession ne peut également pas être provoqué par le liquidateur.
En principe, le liquidateur ne peut donc pas agir au lieu et place du débiteur en ce qui concerne la réalisation des biens successoraux. Mais, la Cour de cassation ne suit pas toujours le droit positif. En effet, dans une décision du 13 janvier 2015 (Cass. com., 13 janvier 2015, pourvoi n°13-12.590), le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à appréhender un bien mobilier reçu par le débiteur dans le cadre d’une succession ouverte postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire en vue de le réaliser.
Cette intervention du liquidateur a fait l’objet d’un recours en justice (pourvoi en cassation) du débiteur sur la base du droit propre. La Cour a rejeté le pourvoi, car selon la Haute juridiction, le partage successoral relève bel et bien du liquidateur. Il s’agit, selon elle, d’un acte d’administration et de disposition d’un patrimoine pouvant constituer le gage des créanciers.
Cette position de la Cour de cassation n’est pas figée.
Dans une autre décision plus récente (Com. 23 nov. 2022, F-D, n° 21-15.497), la Cour de cassation a donné gain de cause à un débiteur dont les biens issus d’une succession ouverte après le jugement de liquidation judiciaire, ont été évalués par un technicien en vue de leur réalisation. La Cour de cassation a cassé l’arrêt déboutant le débiteur, étant donné que lesdits biens sont exclus du dessaisissement.
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