La rédaction des clauses de non-concurrence est fondamentale car se pose souvent des problèmes d’interprétation qui peuvent rendres ces clauses inefficaces si elles sont mal rédigées.
Petit rappel sur la validité et l’interprétation des clauses de non-concurrence
Sommaire de l'article
Validité d’une clause de non-concurrence
Selon la jurisprudence constante, la validité d’une clause de non-concurrence en droit commercial impose les conditions suivantes (Cour de cassation – chambre commerciale 20 septembre 2016, n° 15-13.263) :
- La limitation dans le temps et dans l’espace ;
- Une justification par de la protection de l’intérêt du créancier ;
- La proportionnalité de la clause à la protection des intérêts légitimes du créancier.
Cette position est rappelée par la Cour de cassation que toute clause de non‐concurrence qui n’est pas proportionnée, c’est‐à‐dire qui n’est pas justifiée par les intérêts légitimes à protéger, compte tenu de l’objet du contrat, ou qui, n’étant pas suffisamment limitée dans le temps et dans l’espace, porte une atteinte excessive à la liberté d’exercice de la profession du débiteur de l’obligation » » (Cass. com., 2 oct. 2019, no 18‐15.676, publié au Bulletin).
Dans une affaire ou le débiteur de la clause de non-concurrence avait interdiction de s’établir dans un rayon de 5.000 Km à vol d’oiseau, la Cour d’appel de Paris a jugé :
« Que si le fonds est situé à 2km à vol d’oiseau, il est en réalité situé à 3,6 km à pied, ce qui ne peut être considéré comme suffisamment proche pour l’achat de pain ou viennoiseries, la notoriété des époux X n’étant pas telle qu’elle justifie un tel déplacement pour une clientèle non motorisée ;
Qu’il ne peut être tiré aucune conséquence des attestations contradictoires produites par les deux parties émanant de salariés licenciés ou faisant état de propos rapportés ;
Qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que le lien de causalité entre la baisse alléguée du chiffre d’affaires et la réinstallation des époux X n’est pas établie et que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le préjudice était établi et alloué des dommages et intérêts pour une somme forfaitaire de 30 000 euros ;
Qu’il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point; » (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 5, 27 avril 2017, n° 15/12020).
Sur la limitation géographique, la Cour d’appel prononçait la nullité d’une clause de non-concurrence interdisant à son débiteur d’établir une activité similaire à celle du fonds cédé par ce dernier pendant sept ans et sur toute l’étendue du territoire français.
La Cour a rappelé que « pour être valide, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Elle doit en outre être justifiée par la légitime protection des intérêts du créancier, et ne pas être disproportionnée dans son objet. En ce qu’elle constitue une limitation de la liberté du commerce et de l’industrie, elle doit être interprétée restrictivement ».
Ella a retenu que « au regard de sa durée et de son étendue, comme injustifiée pour la sauvegarde des intérêts de la société cessionnaire, cette dernière faisant valoir de manière inopérante que l’interdiction d’exercer sur l’ensemble du territoire n’empêche pas M. X d’exercer son activité en Belgique, alors que le fait de lui imposer de transférer son activité commerciale dans un autre pays que la France, fut il frontalier et proche, constitue une atteinte disproportionnée à la protection de ses intérêts légitimes ».
Dans une décision de la Cour d’appel de BASTIA du 2 décembre 2020, la Cour a estimé que :
»
Selon les formules, la clause doit être ainsi proportionnée « au regard de l’objet du contrat » (Cass. com., 4 janv. 1994, no 92‐14.121; Cass. com., 11 mai 2017, no 15‐12.872, ou « aux intérêts légitimes à protéger » (Cass. 1re civ., 11 mai 1999, no 97‐14.493)
Le plus souvent, la disproportion exprime l’idée que la clause, tout en étant nécessaire, va au‐delà de ce qu’il faudrait. Elle peut découler du champ matériel de la clause, jugé trop étendu par rapport à l’objet du contrat (par exemple, Cass. com., 9 juill. 2002, no 00‐18.311).
Interprétation d’une clause de non-concurrence en droit commercial
Le code civil et l’interprétation des clauses contractuelles
Un chapitre du code civil est consacré à l’interprétation des contrats et donc de ses clauses contractuelles.
Il s’agit des articles 1188 à 1192 du code civil modifiés par ordonnance du 10 février 2016.
Notamment, l’article 1190 du code civil dispose que dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé.
Dans son arrêt en date du 11 février 2020, la 2eme chambre commerciale de PAU rappelle que;
« Les parties sont donc en opposition sur le sens exact qu’il convient de donner au contenu de cette clause quant à la distance minimale devant séparer les deux fonds.
A l’effet d’interpréter celle-ci, la Cour entend rappeler qu’une clause de cette nature est une stipulation par laquelle une personne, le débiteur, s’engage à ne pas exercer d’activité professionnelle susceptible de concurrencer celle d’une autre personne, le créancier. En raison de l’exception qu’elle apporte à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’au principe du libre établissement, les restrictions qu’elle instaure sont d’interprétation stricte.
En outre, il convient également de rappeler que, dès lors que les parties s’opposent sur le sens à donner à ce qui est exprimé dans une convention, la disposition dont il s’agit, par application de l’article 1158 ancien du Code civil, doit être comprise dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat, et qu’en application de l’article 1162 ancien du même code, dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation. »
Bien que les dispositions du code civil aient été modifiées s’agissant de l’interprétation des contrats – changement de numérotation et changement de texte – l’esprit de la loi est le même, protéger la partie qui être débitrice de l’obligation de non-concurrence.
La clause, en cas de doute, doit s’interpréter en faveur de la partie qui doit respecter la clause de non-concurrence.
Interprétation de la clause de non-concurrence de manière stricte
La jurisprudence constante définit la clause de non-concurrence comme une limitation à la liberté fondamentale d’entreprendre et en déduit de ce fait, qu’elle est d’interprétation stricte.
En matière commerciale, la jurisprudence a tendance à considérer qu’une clause de non-concurrence doit s’interpréter de manière très stricte.
A titre d’exemple, dans un litige opposant un bailleur à son locataire pour violation da clause de non-concurrence par le bailleur ayant loué un autre local à une société exerçant une activité similaire à son premier locataire, la Cour d’appel d’Agen a retenu que :
«Cela étant, il s’agit de chiffre d’affaires et pas de marge, seule notion à considérer en la matière ; compte tenu de facteurs de déperdition de clientèle ne tenant pas spécialement à la concurrence exercée par la « LA FOIR’X », de la situation de crise lors des années considérées et des marges bénéficiaires habituellement pratiquées dans le secteur, il y a lieu de condamner la XXX à dédommager l’appelante du préjudice subi par le fait fautif de la bailleresse par l’allocation de la somme de 8.000 Euros de dommages-intérêts.
Les éventuelles pertes de marge sur les chaussettes n’ont pas à être prises en compte, attendu que les clauses d’exclusivité ne protègent, comme il a été dit plus haut, que le commerce principal autorisé, à l’exclusion des activités connexes, complémentaires ou accessoires et qu’il s’agit en l’occurrence d’une « zone marginale commune » (Cour d’appel d’Agen, Chambre commerciale 1ère chambre, 2 mai 2011, n° 09/01820).
Toujours au titre de l’interprétation stricte de la clause de non-concurrence, une Cour d’appel a retenu que :
« Attendu que cette clause de non concurrence, qui constitue une atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, doit être interprétée de manière restrictive ; que cette clause n’envisage pas l’intégralité de l’activité de transport de malades sur prescription médicale et elle ne prohibe donc pas expressément le transport par la société X…, qui a conservé son activité de taxi, de malades dont l’état de santé est compatible avec ce moyen de déplacement ; que, d’ailleurs, les calendriers publicitaires édités en commun par les sociétés Bernard X… et Trans’ambulance pour les années 2005 et 2006 -donc postérieurement à la cession de la branche d’activité- mentionnent clairement le « transport de malades assis » au rang des activités de la société Bernard X…, démontrant ainsi que la volonté des parties était de permettre à cette dernière société de poursuivre cette activité ; qu’il s’ensuit qu’il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté les demandes de la société Trans’ambulance fondées sur une prétendue violation de la clause de non-concurrence précitée.
Attendu que le fait de se méprendre sur l’étendue de ses droits ne caractérise pas en soi un exercice abusif du droit d’agir en justice ; que le jugement, qui a rejeté la demande de la société Bernard X… en paiement de dommages-intérêts de ce chef, sera confirmé » (Cour d’appel de Limoges, 20 janvier 2011, 09/01378).
ACTUALITES Dernière jurisprudence de la Cour d’appel de Paris Pole 5 Chambre 4 spécialisée en droit de la concurrence et clause de non-concurrence
La Cour d’appel de Paris rappelle dans son arrête du 1er février 2023 les conditions d’interprétation des clauses de non concurrence :
« le contrat de franchise est un contrat d’adhésion et, dans le doute, doit s’interpréter contre le créancier et en faveur du débiteur »
« que conformément aux articles 1189 et 1190 du code civil, toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier et que, dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé »
La preuve du préjudice en cas de violation de la clause de non-concurrence
Quant à l’existence d’un préjudice, et la demande présentée en application de l’article 1382 ancien du code civil, devenu l’article 1240 du code civil, encore faut-il démontrer l’existence du dit préjudice.
En l’espèce la baisse du chiffre d’affaires entre la société qui se dit victime de la violation de la clause de non-concurrence, si elle est réelle, doit être rattachée à l’activité prétendument concurrent et ne peut concerner que la partie de la baisse du chiffre d’affaires de l’activité interdite.
Ainsi, le créancier de la clause de non-concurrence doit démontrer le lien de causalité entre cette baisse, le préjudice invoqué et l’exercice d’une activité interdite.
A ce titre, les tribunaux rejetteront les demande d’expertises présentées par le créancier, si cette expertise a pas pour but de palier sa carence à démontrer le lien existant entre une baisse de son chiffre d’affaires et l’activité de l’autre partie.
La demande d’expertise ne peut avoir que pour objet de chiffrer le préjudice une fois cette démonstration faite.
Le cabinet LLA AVOCATS se tient à votre disposition pour vous assister et vous conseiller dans le cadre de l’exécution d’une clause de non-concurrence