Conflit entre associés lors du vote de résolutions en assemblée générale. Vous êtes associé minoritaire d’une société et vous considérez que vous êtes victime d’un abus de majorité? Ce vote qui est systématiquement en faveur du report à nouveau des bénéfices. Cet article vous aidera à y voir plus clair sur vos droits dans le cadre d’un litige entre associés.
Sommaire de l'article
L’ABUS DE MAJORITE
Définition de l’abus de majorité
Les textes de loi relatifs à l’abus de majorité
L’article 1833 du code civil dispose que :
« Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés. »
La jurisprudence a défini l’abus de majorité comme la résolution:
prise contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité. » (Cass. Com, 18 avril 1961, n° 12164)
L’article L235-9, alinéa 1 du code de commerce dispose quant à lui que :
« Les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieures à constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de forclusion prévue à l’article L. 235-6. »
Enfin, l’article L.241-3, alinéa 5 du Code de commerce condamne :
5° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. »
Ce que dit la jurisprudence s’agissant de l’abus de majorité
La jurisprudence constante considère qu’il y a abus de majorité lorsque :
La décision adoptée par le ou les associés majoritaires est contraire à l’intérêt social et a été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des associés minoritaires ».
ABUS DE MAJORITE et « affectation systématique des bénéfices au poste Report à nouveau
L’arrêt de principe
Dans un arrêt du 22 avril 1976, n°75-10735, la Cour de cassation a jugé que :
« Les associés majoritaires commettent un abus en décidant d’affecter systématiquement …, la totalité des bénéfices en réserve dès lors que ces sommes n’ont pas été utilisées pour des investissements mais simplement portées au crédit des comptes bancaires de la société »
Le foisonnement de jurisprudence
De la même façon, la Cour a pu énoncer que :
tous les bénéfices d’exploitation avaient été affectés entièrement aux réserves, portant le montant de celles-ci à vingt-deux fois celui du capital, sans que cette mise en réserve n’ait eu aucun effet sur la politique d’investissement de l’entreprise, tandis que les deux associés détenant 4/5 du capital social disposaient de rémunérations importantes dont la croissance a été anormalement rapide et qui ont permis en particulier au gérant de réaliser des investissements personnels se substituant à ceux qui auraient dû être réalisés par la société […] privaient les associés minoritaires de toute perspective de récupération des profits non distribués qui auraient pu accroître la valeur des parts ; »(Cass. Com., 6 juin 1990, n°88-19420 et n°88-19783)
Également, dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour d’appel de RIOM du 7 mars 2018. La Cour a pu décider que (n°16/02363) :
Les décisions de M.X, qui a omis de verser de dividendes pendant plusieurs années consécutives, en affectant les bénéfices de la société CFB à des comptes de réserve, tout en maintenant le montant de ses rémunérations dans la société filiale, ont porté atteinte aux intérêts de l’associée minoritaire qu’est M.X, sans être justifiées par l’intérêt de de la société CFB elle-même. Une telle situation caractérise un abus de majorité, et constitue un juste motif à la demande de retrait de M.X.
La mise en réserve systématique des bénéfices
Enfin, la Cour de Cassation a considéré dans une décision de 2003 que :
Mais attendu que l’arrêt retient qu’entre 1988 et 1995, les bénéfices d’exploitation de l’entreprise sont venus systématiquement accroître le montant des capitaux propres, qui s’élevait en décembre 1995 à la somme de 1 927 814 francs dont 1 647 314 francs au titre du « report à nouveau », sans que cette mise en réserve n’ait eu aucun effet sur la politique d’investissement de l’entreprise. (Cass. Com, 1er juillet 2003, n°99-19328)
Dans un arrêt du 6 juin 1990, la Cour de cassation a confirmé la position de la cour d’appel de Colmar. Cette dernière avait annulé des résolutions d’assemblée générale en soulignant que :
ces dernières avaient affecté les bénéfices des exercices 1979 et 1983 aux réserves sans les attribuer aux associés.
La Haute Cour a considéré comme abus de majorité le fait que :
tous les bénéfices d’exploitation avaient été affectés entièrement aux réserves, portant le montant de celles-ci à vingt-deux fois celui du capital, sans que cette mise en réserve n’ait eu aucun effet sur la politique d’investissement de l’entreprise.(Cass. Com., 6 juin 1990 n° B 88-19.420)
Le repositionnement de la jurisprudence de la Cour de cassation en juin 2020
Dans un arrêt très récent du 10 juin 2020 la Chambre commerciale de la Cour de Cassation est venue remettre de l’ordre dans ce foisonnement de jurisprudence sur l’abus de majorité et le vote systématique des résolutions en faveur du report à nouveau des bénéfices en assemblée générale.
La Haute Cour rappelle ce qui caractérise l’abus de majorité. Ainsi, le seul fait d’affecter systématiquement les bénéfices au poste report à nouveau n’est pas suffisant pour caractériser l’abus de majorité. Et cela même si le report se fait systématiquement d’année en année contrairement à l’intérêt social.
Il faut en outre que la décision litigieuse serve l’intérêt unique des majoritaires au détriment des associés minoritaires. Ce sera le cas par exemple si le gérant augmente sa rémunération et/ou se verse des primes. Cette augmentation se fait au détriment du minoritaire si on ne vote pas le versement de dividendes pour les associés.
Les avocats de LLA Avocats sont à votre disposition pour toute question ou information relative à un conflit entre associés et tout litiges pour