Vous êtes actionnaire minoritaire d’une société et souhaitez engager la responsabilité du dirigeant. Vous estimez que certains actes de gestion sont contraires à l’intérêt social ? Faites vous assister par un avocat expérimenté en droit des sociétés. Avant d’envisager une action en responsabilité, demandez une expertise de gestion.
Sommaire de l'article
Conditions de recevabilité de l expertise de minorité dans les sociétés par actions
Un actionnaire avec au moins 5 % du capital d’une SA peut demander aux organes de direction des informations sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Sans réponse dans un délai d’un mois ou sans réponse satisfaisante, l’actionnaire peut demander la désignation d’un expert avec pour mission de faire un rapport de gestion sur les actes présumés irréguliers.
Ce droit de demander la désignation d’un expert de gestion découle directement de l’article L.225-231 du code de commerce.
Cette demande se distingue de l’expertise de l’article 145 du code de procédure civile qui dispose que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Un actionnaire minoritaire avec au moins 5% du capital
L’actionnaire minoritaire, pour demander une expertise de gestion, devra d’abord justifier, qu’au jour où il entend assigner en référé expertise de minorité, il possède au moins 5% du capital de ladite SA ou SAS.
Cette condition de la détention est fondamentale sous peine d’irrecevabilité de la demande.
Si l’actionnaire perd la qualité d’actionnaire pendant la procédure, il perd son droit d’agir.
En revanche, si postérieurement à la saisine du juge, l’actionnaire minoritaire passe en dessous du seuil de 5%, il reste reste recevable à poursuivre sa demande d’expertise de gestion. En effet, c’est au jour la saisine du tribunal que s’apprécie le seuil des 5% .
L’actionnaire minoritaire doit justifier du caractère sérieux de sa demande d’expertise
A ce stade de la procédure, le demandeur n’a pas à justifier du fait que l’opération de gestion litigieuse est contraire à l’intérêt social ou qu’elle viole la loi. C’est justement l’objet du rapport de gestion.
En revanche, le minoritaire doit justifier que sa procédure a un caractère sérieux (Cass. com. 22 mars 1988, n°86-16.786).
Pour évaluer le caractère sérieux de la demande d’expertise, le juge examinera si le demandeur justifie d’une présomption d’irrégularité de l’acte de gestion .
Dans son arrêt relatif à une demande d’expertise d’un actionnaire minoritaire d’OSCARO.COM, la Cour de cassation a confirmé « qu’il appartient au juge d’apprécier en outre le caractère sérieux de la demande, ce qui est avéré si l’opération critiquée est susceptible de nuire à l’intérêt social ; qu’ainsi justifient la désignation d’un expert des présomptions sérieuses d’irrégularités et des décisions ayant une incidence sur le devenir de la société ».
En l’espèce, l’actionnaire minoritaire avait obtenu la désignation d’une expertise de gestion sur les conditions d’exécution d’une convention liant la société OSCARO.COM à sa holding.
Ainsi, pour juger du caractère sérieux de la demande, la Cour suprême exige que le demandeur apporte des éléments tendant à démontrer que l’opération de gestion contestée est « susceptible » d’être irrégulière. L’actionnaire devra donc convaincre le juge qu’il existe des présomptions que l’acte est irrégulier.
Le caractère sérieux de la demande est notamment admis s’il existe un risque d’atteinte à l’intérêt de la société.
A contrario, l’actionnaire sera déclaré mal fondé s »il ne communique pas d’éléments pouvant laissant croire que les opérations de gestion critiquées ne seraient pas licites.
L’opération critiquée doit être une opération de gestion
La condition impérative pour que la demande d’expertise de minorité soit déclarée bien fondée est qu’elle doit porter sur la critique d’opérations de gestion.
Les opérations de gestion sont celle relevant de la compétence des organes de gestion et non de la compétence de l’assemblés générale.
Cependant, il n’est pas toujours évident de déterminer si une opération est effectivement une opération de gestion au sens de l’article L.225-231 du code de commerce.
L’arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2017 confirme que cette définition d’opération de gestion peut être compliquée à identifier .
En l’espèce, un actionnaire minoritaire avait demandé une expertise de gestion portant sur la régularité d’une décision du dirigeant de vendre un actif immobilier de la société . Or, cette décision appartenait à la compétence de l’assemblée générale.
La cour de cassation a confirmé que puisque les statuts avaient précisé que l’assemblée devait autoriser les cessions d’actifs immobiliers, cela ne pouvait pas être une opération de gestion.
Les aspects procéduraux de l’expertise de minorité
L’interrogation préalable des dirigeants
Préalablement à la phase judiciaire qui consiste pour le minoritaire à demander en référé la désignation d’un expert, l’actionnaire minoritaire devra adresser une lettre recommandé AR au Président de la société en lui posant un des questions sur les opérations de gestion qu’il estime litigieuses.
La demande d’information doit, au même titre que la demande d’expertise judiciaire, porter sur des actes de gestion précis (Cass. com. 14 février 2006).
Cette phase amiable constitue une condition de recevabilité impérative à la saisine du juge.
Si l’actionnaire ne respecte pas cette formalité, il sera irrecevable en sa demande. Le demandeur ne pourra pas corriger cette erreur en cours de procédure.
À défaut de réponse dans un délai d’un mois, ou si les éléments de réponse communiqués ne sont pas satisfaisants, l’actionnaire pourra saisir du tribunal de commerce d’une demande d’experts de gestion (art. L 225-231, al. 2).
La saisine du tribunal par voie d’assignation en la forme des référés
La demande d’expertise de minorité est faite par voie d’assignation en la forme des référés devant le Président du tribunal de commerce (article R.225-163 du code de commerce).
Cette précision est fondamentale car l’actionnaire qui saisit le tribunal de commerce par voie de référé en lieu au lieu de la « forme des référés » sera déclaré irrecevable. (Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 juillet 2011 n°10/24617).
Une fois le second original délivré à la société et enrôlé au tribunal, le greffier convoque personnellement le dirigeant par lettre recommandée AR.
L’ordonnance faisant droit a la demande d’expertise de gestion
Si le Président du tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, estime que la demande d’expertise est sérieuse et utile, il rend alors une ordonnance qui fixant l’étendue de la mission l’expert, désigne l’expert, et fixe les délais dans lesquels les l’expertise de gestion devra être réalisée.
Par la suite, il pourra toujours être demandé au tribunal d’élargir la mission et de reporter la date du dépôt du rapport d’expertise.
À qui mettre la charge des honoraires de l’expert de gestion
Enfin, dans sa décision, le Président du tribunal de commerce justice fixe les honoraires de l’expert. Mais le code de commerce, dans son article L.225-231, al. 4 précise que l’ordonnance « peut mettre les honoraires à la charge de la société « . Il ne s’agit là que d’une faculté et non d’une obligation. Cette question des honoraires est fondamentale car souvent l’actionnaire n’a pas les moyens pour les financer.