Les créanciers doivent déclarer au passif leurs créances afin de pouvoir être payés dans le cadre de la procédure collective. Ces créances ne sont pas admises automatiquement, mais sont encore vérifiées par l’administrateur ou le mandataire judiciaire. Les débats sont organisés devant le juge-commissaire qui rend ensuite une décision. La question qui se pose est de savoir quelle est la portée de la décision d’admission de la créance au passif ?
Sommaire de l'article
L’autorité de la chose jugée, c’est quoi ?
Toute décision juridictionnelle a autorité de la chose jugée dans certaines conditions, y compris la décision d’admission d’une créance au passif.
1. L’autorité de la chose jugée
L’autorité de la chose jugée signifie qu’une affaire ayant déjà abouti à une décision définitive ayant force de la chose jugée ne peut plus faire l’objet d’une nouvelle instance. Ainsi, une partie qui serait citée devant un tribunal concernant une affaire ayant déjà fait l’objet d’un jugement antérieur pourrait simplement faire constater l’existence de cette décision sans nécessiter de justification supplémentaire. L’autorité de la chose jugée ne s’applique que lorsque les parties aux deux procédures sont identiques, que les litiges aient le même objet. On qualifie cette autorité du jugement précédent de « relative ».
Il faut également remarquer que seuls les jugements définitifs ont autorité de la chose jugée. Les jugements à caractère provisoire tels que les ordonnances de référé ou les ordonnances sur requête, les mesures d’instruction et les mesures provisoires précédant le jugement principal.
2. La notion d’autorité de la chose jugée en matière d’admission d’une créance au passif
Les créanciers ont deux mois pour déclarer leurs créances après la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective. Lesdites créances peuvent être admises ou contestées devant le juge commissaire qui statue sur l’admission ou le rejet de la créance. C’est une décision juridictionnelle ainsi, en principe, elle a autorité de la chose jugée.
Le juge, par le biais de cette décision, admet la créance comme faisant partie du passif du débiteur. La créance est jugée comme valable et doit être réglée. Ainsi, l’admission et l’autorité de la chose jugée rend la créance irrévocable. La jurisprudence reste plus prudente sur la portée de cette incontestabilité puisque la procédure d’admission est soit-disant “une procédure légère”. La décision d’admission a autorité de la chose jugée quant à son principe, son montant et sa nature (Cass. com., 03 mai 2011, n° 10-18.031).
Elle est opposable à la caution, sauf contestation par celle-ci de l’état des créances déposé au greffe (Cass. com., 22 octobre 1996, n° 94-14.570).
Il faut préciser que la décision d’admission non contestée n’est pas un titre exécutoire. En effet, une décision qui a autorité de la chose jugée ne constitue pas un titre exécutoire (Cass com, 4 juillet 2018 n°16-22986). Ainsi, un créancier impayé ne peut poursuivre une caution sur la base de la décision d’admission de sa créance au passif, lorsque la procédure de liquidation judiciaire est close pour insuffisance d’actif.
Les effets de l’autorité de chose jugée de la décision d’admission d’une créance au passif
L’autorité de la chose jugée rattachée à la décision d’admission de la créance au passif engendre de nombreuses conséquences.
1. L’irrévocabilité relative de la décision
- D’abord, il est important de préciser que la portée de l’autorité de chose jugée de la décision d’admission de la créance au passif est relative. Cela signifie que malgré l’existence de cette décision, les créances admises peuvent être remises en cause.
- Toutefois, cette remise en cause doit se faire par des moyens qui ne pouvaient être invoqués lorsque le juge commissaire a statué.
- Par contre, une décision qui porte sur l’illégalité de la créance est irrévocable. En effet, il s’agit d’une situation qui ne peut évoluer puisque ladite créance ne peut être ressuscitée, une fois qu’elle n’est pas admise selon une décision de l’assemblée plénière du 10 avril 2009.
Par ailleurs, une créance peut également faire l’objet d’une remise en cause par le biais d’une exception d’exécution au créancier dont le titre a pourtant fait l’objet d’une admission.
2. Les créances rejetées, impossibles à réhabiliter
Les créances rejetées partiellement ou totalement par le juge-commissaire n’appartiennent pas en principe au passif du débiteur. De ce fait, elle doit être considérée comme éteinte.
Un arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2017, renforce cette extinction de la créance. Toutefois, une jurisprudence de la chambre commerciale du 3 décembre 2003 a limité cette position en disant que “le rejet d’une créance dans une première procédure collective n’a pas autorité de chose jugée dans une seconde procédure ouverte à l’encontre du même débiteur”. Ainsi, une créance rejetée par le juge-commissaire peut renaître dans une seconde procédure.
3. La limitation des recours des associés
La décision d’admission au passif qu’est attachée l’autorité de la chose jugée s’impose aux associés d’une société faisant l’objet d’une procédure collective (Cass. com., 20 janvier 2021, n° 19-13.539). Ainsi, ceux-ci doivent respecter le délai prévu par l’article R. 624-8 du Code de commerce s’ils veulent faire une réclamation contre la décision d’admission de la créance.
4. Les effets de la décision, opposable au juge de l’exécution
Selon la Cour de cassation (Cass. com., 8 février 2023, n° 21-17.763), l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance au passif s’impose au juge de l’exécution statuant à l’audience d’orientation.
Cette situation se manifeste en cas de saisie immobilière effectuée par un créancier auquel est inopposable la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble appartenant à son débiteur.
Par ailleurs, ce juge de l’exécution, malgré l’autorité de la chose jugée de la décision d’admission au passif, doit statuer d’office, durant l’audience d’orientation, sur l’existence de clauses abusives du contrat.
5. Le caractère privilégié de la créance admise au passif
Une fois que la créance est admise dans la première procédure collective, elle l’est automatiquement pour la deuxième (Cass. com., 17 février 2021, n°19-20.738). De même, le privilège dont elle a bénéficié dans la première procédure continue à faire effet dans la deuxième procédure à condition que celui-ci soit encore valable. Le cas échéant, elle est admise, mais à titre chirographaire. Le créancier doit donc renouveler les sûretés afin de continuer à bénéficier de ses effets.
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