La nullité est une sanction grave qui peut troubler considérablement les activités sociales de l’entreprise. Ainsi, il est important de trouver un équilibre entre la nécessité d’appliquer une sanction contre un acte juridique mal formé et le bon fonctionnement de la société. Cette considération est à l’origine de nombreuses discordes entre la doctrine et même au sein de la jurisprudence. Les décisions prises en assemblée, contraires aux dispositions statutaires peuvent elles être annulées ? Telle a été la question posée à la Cour de cassation dans une décision rendue le 12 octobre 2022 (Cass. com. 12-10-2022 n° 21-15.407 F-D X, c/ Groupement foncier agricole de la Ferme de Champlevé).
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Les modalités de prise de décision au sein des sociétés civiles
Selon l’article 1852 du Code civil, au sein des sociétés civiles, les décisions qui excèdent les pouvoirs des gérants sont prises dans les conditions fixées par les statuts ou, à défaut, à l’unanimité des associés. On peut en déduire qu’il y a une pluralité d’entités compétentes en matière de prise de décision. D’abord, les gérants sont compétents pour prendre certaines décisions et certains actes. Ces derniers ont le pouvoir d’effectuer les actes de gestion dans l’intérêt de la société. L’on peut citer la représentation auprès des tiers, notamment lors de la conclusion de contrats ou bien en justice, la tenue de comptabilité, …
Leur compétence peut être limitée par les statuts. En effet, certains domaines jugés “importants” par les associés font l’objet de clauses dans les statuts et dont le vote se fera lors d’une assemblée générale (ordinaire ou extraordinaire). Il s’agit par exemple des modalités de vote, le quorum lors d’une assemblée générale extraordinaire (Cass. com. 12-10-2022 n° 21-15.407 F-D X, c/ Groupement foncier agricole de la Ferme de Champlevé)
Si aucune disposition statutaire n’aménage le vote de certaines décisions, alors la règle est l’unanimité de tous les associés. Il faut préciser qu’ici, l’unanimité n’est pas celle des associés présents.
La nullité d’une décision d’assemblée d’une société civile
La nullité d’une décision d’assemblée est très importante puisqu’elle peut être très préjudiciable à la société. Dans le cas où de lourdes opérations coûteuses viennent à être annulées, il est primordial de connaître le régime de l’annulation des décisions d’assemblée d’une société civile.
Le régime de nullité des actes d’assemblée des sociétés civiles, prévu par les articles 1844-10 et suivants du Code civil
Le régime de nullité des sociétés civiles, comme celui des sociétés en participation, est prévu par le Code civil, tandis que celui des sociétés commerciales est prévu par les L. 235-1 et suivants du Code de commerce. Leur régime dispose des points en commun, notamment en ce qui concerne la nécessité de la violation d’une disposition dite “impérative”.
Ainsi, selon le Code civil, la nullité d’un acte ou délibération des organes de la société, notamment les associés, ne peuvent résulter que de la violation des dispositions impératives du Code civil. Les dispositions du Code permettent également la nullité pour les causes de nullité des contrats en général : vice de consentement, absence de cause, défaut de capacité, …
La Cour de cassation a longtemps jugé que le non-respect des clauses des statuts ne pouvait pas être sanctionné par la nullité (Cass. 3e civ. 13-4-2010 n° 09-65.538 : RJDA 7/10 n° 764). Néanmoins, une exception a été prévue par le Code : la nullité pour non-respect des dispositions statutaires qui constituent un prolongement d’une disposition légale impérative (Cass. com. 19-3-2013 n° 12-15.283 F-PB : RJDA 6/13 n° 533). Avant, l’aménagement par les statuts des modalités d’adoption des décisions collectives n’est pas considéré comme une règle impérative.
La décision de la cour de cassation : la nullité d’une décision prise dans le non-respect des statuts
Dans l’affaire portée devant la Haute juridiction (Cass. com. 12-10-2022 n° 21-15.407 F-D X, c/ Groupement foncier agricole de la Ferme de Champlevé), les statuts ont prévu des règles de majorité en ce qui concerne les décisions extraordinaires. Ces dernières doivent être adoptées « par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social ». La Cour d’appel a décidé qu’il s’agissait d’une règle de quorum alors que l’appelante avançait qu’il s’agissait d’une règle de double majorité, laquelle a été inobservée du fait de son absence. Le principe d’unanimité des associés est ici la règle en cas d’absence de dispositions statutaires. Il s’agit d’une règle impérative selon la Cour de cassation dans son moyen de cassation.