Vous vous demandez quel rôle crucial peut jouer un administrateur provisoire en cas de crise sociale au sein d’une entreprise ?Lorsque les fondations d’une entreprise sont ébranlées par des difficultés sérieuses, menaçant gravement son bon fonctionnement, l’intervention d’un administrateur provisoire devient impérative. Nommé par décision judiciaire, ce professionnel joue un rôle déterminant dans la préservation des intérêts de toutes les parties prenantes.
Dans cet article, nous explorerons en détails :
- les missions de l’administration provisoire,
- les pouvoirs et les critères rigoureux qui justifient la désignation d’un administrateur provisoire.
Accrochez-vous, car cette exploration vous fournira des clés essentielles pour comprendre l’importance de cette figure dans la gestion de crises sociales en entreprise.
Sommaire de l'article
Qu’est-ce qu’un Administrateur Provisoire en cas de crise sociale dans une entreprise?
L’administrateur provisoire est un mandataire de justice désigné dans le cadre d’une procédure judiciaire et qui dispose de pouvoirs pour gérer une société en cas de crise.
Il est désigné par le juge afin de s’immiscer dans la vie de l’entreprise lorsque celle-ci rencontre une grave crise sociale. Notamment, en cas d’un dysfonctionnement des organes de gestion et/ou d’un conflit entre associés mettant en péril les intérêts de la société, l’empêchant de fonctionner normalement.
Une société peut par exemple y avoir recours lorsqu’elle se trouve dans une situation de blocage résultant d’un désaccord persistant entre deux groupes d’associés (Cour d’appel de Paris du 13 juillet 1990). Dans une telle situation, il peut être nécessaire de faire appel à des Avocats en Droits des Affaires pour conseiller l’administrateur provisoire dans la gestion de la société pendant cette période délicate.
L’administrateur provisoire, investi des pouvoirs que la loi confère aux dirigeants sociaux, devra alors assurer la gestion de la société en lieu et place du dirigeant pendant une période déterminée.
Quelle est la Mission de l’Administrateur Provisoire ?
Sa mission est alors de préserver les intérêts en cause : ceux de la société, du dirigeant, des associés, des salariés et même des tiers tel que les fournisseurs.
Parce qu’elle contrevient au principe impérieux de non-immixtion du judiciaire dans l’entreprise, et parce que c’est une mesure extrêmement grave (pouvant entrainer le dessaisissement des organes de direction), elle doit rester exceptionnelle.
Où et Quand est-il nommé ?
La chambre commerciale considère dans un arrêt du 3 juillet 1984 que la désignation d’un administrateur provisoire ne peut avoir lieu que si aucune autre mesure n’est envisageable, elle présente en quelque sorte un caractère subsidiaire et d’ultime recours.
Toutefois cette nécessité de désignation ne se résume pas à la situation où l’existence même de la société est en jeu (Civ. 1re, 9 janv. 1996), le juge doit analyser la « situation actuelle et interne de la société concernée » (Cour d’appel d’Aix du 26 janvier 1996) .
Il est important de relever que cette institution est une création prétorienne, c’est le juge qui est venu définir les critères de désignation ainsi que les pouvoirs conférés à l’administrateur provisoire.
Cependant, c’est très difficile et rare d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire, justement car les critères pris en compte par le juge sont très stricts.
La désignation de l’administrateur provisoire : dans quels cas ?
La désignation de l’administrateur provisoire est nécessaire lorsqu’une société se retrouve en état de crise. La chambre commerciale indique dans un arrêt du 6 février 2007 qu’un tel état de crise « suppose de rapporter la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent »…ce qui est très rare.
L’atteinte au fonctionnement normal de la société
Les éléments qui mettent en péril les intérêts sociaux sont susceptibles de donner lieu à la désignation d’un administrateur provisoire. La Chambre commerciale (1984-07-03) l‘envisage dans le cas où « la mésentente existant entre les associés rendait anormal le fonctionnement de la société » et qu’elle « a considéré que l’annulation, prévisible à brève échéance, de la désignation des dirigeants sociaux entraînerait de très graves conséquences pour la société auxquelles il fallait immédiatement porter remède » (87-10966, 17 janvier 1989).
L’adjectif normal désigne en réalité tout ce qui est habituel et fréquent, une décision légale peut alors être perçue comme anormale.
La Cour de cassation a pu juger que la mésentente grave entre associés ne pouvait donner lieu à la désignation d’un administrateur provisoire que si celle-ci fait obstacle au fonctionnement normal de la société, qu’elle paralyse les organes de direction ou alors qu’elle mette en péril la société (24 mai 1994, Com.)
Plusieurs situations peuvent donner lieu à une telle désignation :
- L’absence ou la défaillance des organes sociaux ;
- Le risque d’atteinte à l’objet social (Cour d’appel d’Aix-en-Provence 10 mai 1988) ;
- L’impossibilité pour les organes sociaux de faire face aux difficultés financières de la société ;
- Le fonctionnement anormal des assemblées : lorsque le conseil d’administration ou le gérant refuse de réunir l’assemblée, un mandataire ad hoc peut être désigné, de même si l’assemblée ne parvient pas à se mettre d’accord, un administrateur provisoire peut être désigné. ;
- La déloyauté du dirigeant : lorsqu’elle est flagrante et qu’elle risquerait de mettre en péril l’intérêt social de la société (atteinte à la réputation de la société, financement d’activités concurrentes…) ;
- La disparition de l’affectio societatis : si cette disparition est définitive la liquidation de l’entreprise devra être prononcée
- Les conflits sociaux : la désignation d’un administrateur provisoire permet de protéger les associés minoritaires, cette crise doit toujours être caractérisée par la menace des intérêts sociaux par un péril imminent ;
- Le droit de regard des associés : ette mission revient à l’administrateur judiciaire lorsqu’il est investi d’une mission d’enquête ;
- Le fonctionnement anormal d’une association.
Découvrons le premier (1.) et trosième (3.) ces cas un à un …
1er CAS : L’absence ou la défaillance des organes sociaux
a. L’absence ou la défaillance du directeur général ou du gérant constitue une carence manifeste ( 26 novembre 1985).
Elle peut résulter de la révocation du dirigeant (CA Paris 12 février 1991) ou encore de l’incapacité du gérant à rendre compte de sa gestion (Nîmes 7 juin 2005). Ces irrégularités doivent être manifestes (Civ. 1re, 11 janv. 2005, no01-13.936) (en cas de vacance de droit, il faut rechercher si l’entreprise continue de bien fonctionner – 3e Civ 16 novembre 2017)
b. L’absence de directoire ou de conseil de surveillance
- En cas d’absence de directoire, une désignation est indispensable
- En cas d’absence de conseil de surveillance : le directoire doit alors convoquer l’assemblée et procéder à une élection ; si elle n’y parvient pas, la désignation d’un administrateur provisoire est alors nécessaire
c. La paralysie du conseil d’administration justifie la désignation
Elle résulte le plus souvent d’un désaccord ou parfois d’un nombre insuffisant de membres à l’assemblée (Com 26 avril 1982). Cependant, le juge ne doit pas en désigner lorsque les associés sont en conflit tant que la société est en mesure de fonctionner normalement et que les intérêts sociaux ne sont pas compromis (Paris 20 mars 2002).
d. Le conflit entre l’exécutif et la collectivité des actionnaires
Entre le conseil d’administration ou le gérant et l’assemblée générale – comme la perte de confiance entre l’équipe dirigeante et l’assemblée (Com, 17 oct 1989)
3ème CAS : L’impossibilité pour les organes sociaux de faire face aux difficultés financières de la société
Le simple fait de connaître des difficultés financières ne suffit pas.
Il faut, en fait, et cette condition demeure toujours essentielle : que l’intérêt social soit compromis par « des initiatives manifestement excessives » (Paris, 3 avr. 1998).
« Cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009 (no 08/17751), un administrateur provisoire avait été désigné car il fallait examiner les conditions dans lesquelles un GIE pouvait s’acquitter du montant des condamnations mises à sa charge aux termes d’un jugement et le cas échéant convoquer, à cette fin, l’assemblée des membres du GIE afin de faire voter la dissolution avec liquidation dudit GIE. En revanche, dans la décision de la chambre commerciale du 29 septembre 2009 (Bull. Joly 2009, § 4, p. 23, note G. Gil ; RJ com. 2010. 180, note S. Messaï-Bahri ; LPA 13 janv. 2010. 9, note H. Moubsit), les juges avaient mis en avant notamment le caractère prospère de la société pour refuser la désignation d’un administrateur provisoire. On constate ainsi que les tribunaux prennent en considération, en dehors de critères juridiques, la situation financière de la société : une dégradation de cette situation renforce leur conviction que l’urgence impose la désignation d’un administrateur provisoire (Basse-Terre, 10 avr. 2000) » (« Administrateur provisoire – Désignation de l’administrateur provisoire » – Benoît LECOURT)
L’exposition à un péril imminent
Cette notion de péril imminent implique une notion d’urgence, elle doit être entendue strictement.
C’est le cas par exemple d’une société qui s’appauvrit progressivement, il revient au juge d’apprécier souverainement le caractère d’urgence (15 février 1994).
Autre exemple : le gérant dans l’incapacité d’exercer ses fonctions sociales (incarcération, placement sous contrôle judiciaire avec interdiction de gérer…) implique nécessairement la désignation d’un administrateur provisoire (Com. 7 novembre 2006, n°05-14.712).
« Un administrateur provisoire ne peut être désigné au seul motif qu’une société rencontrait des difficultés économiques et financières, même graves, lorsqu’il n’est pas établi qu’elles sont le résultat d’irrégularités mettant la société en péril, ou d’actes de carences des dirigeants visant à nuire à l’intérêt social » (4 décembre 2002, cour d’appel de Paris)
La jurisprudence requiert de rapporter la preuve que l’intérêt social est menacé.
Il est parfois arrivé que les juges se cantonnent à une appréciation plus globale de la situation et mettent en avant parfois la condition relative au fonctionnement anormal de la société (Com. 24 mai 1994, no 92-21.699) ou d’autre fois de mettre au premier plan la condition relative au péril imminent (Com. 26 avr. 1982, no 81-10.514).
Ces deux conditions restent cumulatives (5 novembre 1993) : la désignation d’un administrateur provisoire ne trouve sa justification que dans des « circonstances exceptionnelles entraînant la paralysie du fonctionnement de la société et mettant gravement en péril ses intérêts sociaux » (Toulouse, 13 sept. 1999).
La Cour a considéré dans un arrêt de la 3e chambre civile du 27 février 2001 que la désignation d’un administrateur provisoire était nécessaire alors même que les organes sociaux n’étaient pas paralysés car en l’espèce il y avait une atteinte grave à l’intérêt social (face à la situation déficitaire de la société, la gérante s’était contentée de régler des créances importantes à des sociétés dans lesquelles elle avait des intérêts importants)
Les pouvoirs de l’administrateur provisoire
La jurisprudence a progressivement étendu les prérogatives de l’administrateur provisoire. Alors que sa mission se voulait au départ ponctuelle (Civ. 29 juin 1925), il possède aujourd’hui un véritable pouvoir d’administration et de représentation.
Sa mission est « de gérer et d’administrer la société avec tous les pouvoirs du gérant et de prendre toutes les mesures qu’imposent l’urgence et la nécessité » (Paris, 31 mars 1999). Pour ce faire, il se rend au siège social et prend matériellement possession des fonctions de dirigeant dans le but d’avoir accès au maximum d’information.
« L’administrateur provisoire d’une société, désigné par l’autorité judiciaire, est investi des pouvoirs conférés par la loi à un dirigeant social » (chambre commerciale, 6 mai 1986)
C’est pour cette raison que les juges désignant les administrateurs provisoires ont tendance à définir leur mission de façon assez large afin que l’administrateur puisse s’adapter en cas d’évolution de la situation sociale.
L’administration courante de la société
Sauf mention spéciale, l’administrateur provisoire est chargé d’une mission d’administration courante de la société (3e Civ, 1er octobre 2017).
Il doit résoudre la crise que traverse la société et en même temps s’assurer que la société continue d’être gouvernée tout au long de la période de dessaisissement, on parle de gestion quotidienne.
L’administrateur provisoire agit dans le cadre d’un dessaisissement total, ce qui implique que le dirigeant est substitué dans ses pouvoirs.
De fait, l’administrateur provisoire dispose de larges pouvoirs ; on pourrait alors facilement lui reprocher d’avoir pris des mesures de gestion irréversibles.
À l’inverse le dirigeant de la société perd ses prérogatives (bien qu’il conserve son droit à une rémunération (Com. 21 avril 1992) : il ne peut plus gérer la société, il ne peut ni engager sa responsabilité ni conduire un procès au nom de la société (Com. 15 mai 1990).
Toutefois le dirigeant peut interjeter appel contre le référé qui nomme l’administrateur provisoire notamment aux fins de contestations de l’étendue des pouvoirs qui lui sont conférés. Il peut le faire soit au moment de sa désignation (en interjetant appel), soit au cours de sa mission (encore faut-il qu’il justifie de circonstances nouvelles et que la crise sociale a disparu).
Il est important de relever que cette notion de dessaisissement ne constitue en aucun cas une révocation (1e Civ, 9 juillet 1974), la mission de l’administrateur provisoire prend fin lorsque la situation de la société s’est améliorée, que son action n’est plus nécessaire ou si la situation de la société ne peut plus s’améliorer, dans quel cas une liquidation judiciaire devra être prononcée.
Les actes présentant plus de difficultés
L’administrateur provisoire peut effectuer des actes de gestion courante, des actes de conservation et d’administration mais les actes qui pourraient engager l’avenir de la société outrepasseraient les pouvoirs qui lui sont reconnus.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a tout de même admis, dans un arrêt du 2 juillet 1982, qu’un administrateur provisoire pouvait mettre le fonds de commerce en location gérance pour éviter la cessation des paiements. Il peut également vendre un bien lorsque cette décision a été exprimée dans une assemblée (3 mai 2006, 2e civ). Il a même été autorisé à vendre des biens qui ne sont plus utiles à la continuation de l’exploitation sociale (5 novembre 1971, Com.)
De manière générale, si l’administrateur provisoire a besoin d’effectuer des actes de disposition (qui modifieraient la consistance du patrimoine) il doit demander l’autorisation au président du tribunal qui l’a désigné (Tribunal de commerce ou Tribunal judicaire) et justifier à la fois de l’urgence à agir et du fait que ladite action est dans l’intérêt social.
Le juge doit raisonner en fonction de l’intérêt de la société, la chambre commerciale a jugé en ce sens dans un arrêt du 8 novembre 2016 que « la mission […] de procéder à la réalisation nécessaire des actifs de la société […] en vue d’assainir la situation financière du groupe […] était conforme à l’intérêt de cette société ».
L’administrateur provisoire ne peut toutefois empiéter sur la mission d’autre organes, par exemple la révocation du gérant ou la dissolution de la société relèvent uniquement des prérogatives des associés (Pau, 4 décembre 2008).
Il ressort d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 3 décembre 1993 que l’administrateur provisoire peut toutefois convoquer une assemblée générale extraordinaire dans le but de dissoudre la société lorsque celle-ci a perdu plus de la moitié de son capital social.
La première chambre civile semble avoir admis dans un arrêt du 14 décembre 2004 que l’administrateur provisoire puisse solliciter du juge la dissolution judiciaire mais la portée de cet arrêt ne semble pas avoir une vocation générale car en l’espèce, le retrait successif des deux associés d’une SCP manifestait la disparition de tout affectio societatis entre eux, justifiant alors la dissolution de la société.
Si l’administrateur provisoire contrevient à ces exigences, sa responsabilité pourra être retenue.
Elle l’a été dans le cadre d’un dépôt bilan car en l’espèce l’administrateur provisoire n’avait pas respecté certaines précautions (audition des anciens dirigeants, consultations des associés, Chambre commerciale 3 mai 1988).
Le cabinet LLA Avocats se tient à votre disposition pour accompagner et défendre les actionnaires qui souhaitent faire désigner un administrateur provisoire ou pour défendre une société et ses dirigeants qui fait l’objet d’une procédure en référé visant à la désignation d’un administrateur provisoire.