Les avances en compte courant d’associé en SARL sont soumis à un régime juridique spécifique. Mais une SARL peut elle, elle-même, faire une avance en compte courant dans une société dont elle est associée sans risque ?
Pour rappel le régime de l’abus de bien social (communément appelé ABS) est prévu par l’article L 241-3, 4° du Code de commerce qui prévoit :
« 4° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement »
Ainsi, un abus de bien social peut être commis par le gérant d’une SARL, y compris d’une EURL (SARL à associé unique).
Les dispositions pénales relatives au gérant de SARL sont applicables au gérant d’une EURL (Cass. crim., 14 juin 1993, no 92-80.763).
Cela étant, un certain particularisme procédural peut apparaître : ainsi, s’agissant d’un abus de biens sociaux commis par le gérant associé unique d’une EURL, la poursuite reposera en pratique exclusivement sur le ministère public puisque créanciers et salariés ne peuvent pas se constituer partie civile et que le gérant et associé unique risque de ne pas entamer des poursuites contre lui-même.
Sommaire de l'article
Le principe
Le délit d’abus de biens sociaux suppose un usage des biens de la société contraire à l’intérêt de celle-ci. Les biens sociaux sont tous ceux dont la société est propriétaire, qu’ils soient corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers. Généralement, ce sont les fonds de la société.
Les critères
Ils sont au nombre de quatre : nécessité d’un usage, contraire à l’intérêt social, à des fins personnelles et de mauvaise foi.
- Usage : qui correspond généralement à un acte positif, qui est constitué par une appropriation d’un bien de la société.
- Contraire à l’intérêt social : ce critère est rempli lorsqu’il s’agit d’un agissement effectué dans un intérêt personnel. A titre d’exemple, l’utilisation des fonds de la société pour réaliser des travaux personnels. Le dirigeant doit pouvoir justifier que l’utilisation des fonds est dans l’intérêt de la société.
- Finalité : un abus de bien social est constitué si le dirigeant est intéressé directement ou indirectement par l’opération effectuée (par exemple dans le cas de la favorisation d’une autre société)
- Elément intentionnel : mauvaise foi du dirigeant : le dirigeant doit agir de mauvaise foi, et avoir conscience que l’usage des biens est contraire à l’intérêt de la société. La commission de l’infraction suppose un élément intentionnel.
L’usage des biens ou du crédit est contraire à l’intérêt social lorsqu’il porte atteinte au patrimoine de la société (Cass. crim., 16 déc. 1975, no 75-91.045; Cass. crim., 26 juin 1978, no 77-92.833).
Il peut s’agir :
- Des dépenses engagées par la société
- Du manque à gagner résultant par exemple de la conclusion de contrats désavantageux pour la société ( notamment, CA Colmar, 30 avr. 1985, Rev. sociétés 1985, p. 833, n. Storck).
La cour de cassation a eu l’occasion de préciser qu’« il suffit que l’acte ait abouti à des pertes ou même qu’il ait comporté des risques de pertes auxquels l’actif social n’avait pas à être exposé » (Cass. crim., 3 mai 1967) pour être contraire à l’intérêt social.
L’intérêt social
L’intérêt social est une notion distincte de l’intérêt des associés. Même si les associés sont d’accord sur l’usage en question, la loi protège les intérêts de la société, qui sont précisés par l’objet social énoncé au sein des statuts.
Autrement dit, il convient de pouvoir justifier de l’intérêt de la société en priorité sur l’intérêt personnel de l’associé s’agissant de l’acte réalisé.
La caractérisation par les juges du fond de cette contrariété à l’intérêt social est essentielle, sans quoi, la Cour de cassation ne la caractérise pas.
Les activités contraires à l’intérêt social
En outre, les activités qui peuvent notamment être considérées comme contraires à l’intérêt social et donc constitutives d’un abus de bien social sont les suivantes :
- L’affectation de fonds à des opérations d’investissement à titre personnel ( Cass crim., 28 sept. 2016, no 15-83.685)
- Le transfert de fonds d’une société à une autre (Cass. crim., 13 déc. 2016, no 15-86.654 ; Cass. crim., 1er févr. 2017, no 15-85.199, Bull. crim., no 28 ; cass. crim., 16 janv. 2019, no 17-84.969 et no 17-86.162).
L’appréciation de l’objet social en tant qu’intérêt social
L’objet social est généralement utilisé comme un critère d’appréciation de l’intérêt social et de l’abus de biens sociaux par le juge. Autrement dit, l’objet social ne constitue pas en lui-même l’intérêt social.
Ainsi, une opération étrangère à l’objet social peut profiter à la société.
La Cour de cassation a jugé qu’une opération n’entrant pas dans l’objet social n’appelait pas « ipso facto » la répression (Cass. crim., 24 oct. 1996, no 95-85.683).
Ces opérations peuvent être délicates à appréhender seules tant les subtilités sont nombreuses.
Conclusion
Compte tenu de l’appréciation de l’ABS par le juge que l’on vient d’exposer, une avance en compte courant peut donc être constitutive d’un ABS si elle est vraiment contraire à l’intérêt social.
Il vous est fortement conseillé de vous rapprocher d’un avocat qui saura vous guider afin d’effectuer vos opérations sereinement.
LLA Avocats se tient à votre disposition pour vous accompagner et faire valoir vos droits en cas de contentieux relatif à une suspicion d’abus de bien sociaux.