En cas de cessation des paiements, des questions émergent en matière de déclaration de créance pour les créanciers étrangers. En effet, l’ouverture d’une procédure collective est une mauvaise nouvelle pour tout créancier et surtout pour les créanciers qui se trouvent à des milliers de kilomètres du débiteur. Comment peut-il déclarer sa créance afin de participer à la procédure collective et espérer se faire payer ? Y a-t-il une procédure particulière ou des privilèges à leur disposition sans piétiner le principe d’égalité des créanciers.
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L’obligation de déclarer une créance à l’ouverture d’une procédure collective
Il est impératif que les créanciers d’une entreprise engagée dans une procédure collective, déclarent leurs créances. Ils font cette déclaration aux responsables légaux de la procédure, c’est-à-dire le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire, par le biais du représentant légal de l’entreprise (dirigeant social : gérant ou directeur général) ou d’un mandataire… Une déclaration de créance permet aux créanciers de revendiquer leurs créances et montrer leur volonté de se faire payer. Celles qui ne sont pas déclarées ne sont donc pas prises en compte dans l’apurement du passif et ne pourront pas bénéficier de futurs paiements.
Il appartient donc aux responsables susmentionnés d’informer les créanciers dans les 15 jours suivant la décision d’ouverture de la procédure collective. Cette information se fait par le biais d’une lettre recommandée lorsque les créanciers détiennent des sûretés enregistrées de manière publique.
- Toutes les créances, qu’elles soient nées avant l’ouverture de la procédure ou après peuvent faire l’objet d’une déclaration.
- Toutefois, les deuxièmes ne peuvent être des créances nées pour les besoins de la procédure, des créances nées en exécution d’un contrat constitué pour la liquidation judiciaire, etc
Il est également important de préciser que la déclaration de créance ne fait l’objet d’un formalisme précis. Néanmoins, il est toujours conseillé de se faire aider d’un avocat en droit des affaires. En effet, il sera requis, par exemple, de justifier le bien-fondé de la créance. En effet, d’autres mentions doivent y figurer afin d’identifier la créance, notamment la date d’exigibilité, les intérêts, etc
La déclaration de créance par un créancier dit “étranger”
Un créancier est qualifié d’étranger lorsque sa demeure est à l’étranger alors que la procédure collective est ouverte sur le territoire de la France métropolitaine ou sans un territoire d’outre-mer. Ainsi, la détermination de l’adresse étrangère du créancier est très importante vu que le statut d’étranger engendre des conséquences procédurales. Pour une personne morale, la demeure au sens de l’article R.622-24 du Code de Commerce est le siège social.
Jurisprudence sur la déclaration d’un créancier étranger
Toutefois, selon un arrêt de la Cour de cassation, du 26 octobre 2022, n° 20-22.416, pour déterminer la demeure d’un créancier, personne morale, il faut avant tout déterminer la demeure de la personne physique qui a la charge de déclarer la créance. En d’autres termes, il s’agit de déterminer le lieu où l’on trouve la personne ayant la charge de déclarer la créance. Si elle se trouve en France, le créancier peut être considéré comme français.
Par contre, si elle se trouve à l’étranger à la date d’ouverture de la procédure, le créancier bénéficie du statut d’étranger, même si elle dispose d’une succursale en France. Ainsi, selon la même jurisprudence, malgré le fait que la personne morale créancière dispose d’un établissement en France, cela n’influe en rien la nationalité étrangère de la société lorsque le dirigeant social qui a le pouvoir de déclarer les créances était à l’étranger.
Dans un même raisonnement, même si la personne pouvant effectuer la déclaration se situe en France, mais que le siège social soit à l’étranger, la société est considérée comme étrangère (C.A. Montpellier, 17 novembre 2015 n°14-055001).
Il faut préciser que les créanciers domiciliés dans un département ou territoire d’outre-mer ne bénéficient pas de ce délai prolongé (Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-13.103).
Le délai, allongé de deux mois
Le statut d’étranger engendre un allongement de délai pour le créancier dans le cadre de la déclaration d’une créance. Ce délai est appelé « délai de distance » étant donné qu’il est augmenté de 2 mois lorsque le créancier est à l’étranger.
La règle prévue à l’article R622-24 du Code de commerce
La règle qui régit les délais de déclaration des créances se trouve à l’article R622-24 du Code de commerce. En effet, selon des dispositions de l’alinéa 1er de cet article, chaque créancier dispose d’un délai de deux mois après à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Les alinéa 2 et 3 prévoient une augmentation de 2 mois de ce délai lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine ou dans un département ou une collectivité d’outre-mer, alors que les créanciers ne demeurent pas sur ces territoires.
Le point de départ du délai est différent pour les créanciers ayant une sûreté ou liés par un contrat publié. En fait, ils doivent être avertis personnellement par le mandataire judiciaire dans les 15 jours du jugement d’ouverture de la procédure collective et c’est à partir de cette notification que le délai de 2 mois commence à courir.
Pourquoi augmenter le délai ?
En fait, l’idée derrière ce traitement inégalitaire est au contraire d’assurer l’égalité des créanciers. Une procédure collective doit pouvoir mettre tous les créanciers sur un même pied d’égalité malgré la dispersion des créanciers. Les créanciers qui demeurent à l’étranger se trouvent dans une position de désavantage puisqu’ils sont éloignés.
Le délai de distance sert ainsi, selon la Cour de cassation, dans un arrêt de sa Chambre commerciale du 13 juillet 2010, à compenser au profit du créancier domicilié hors de la France métropolitaine la contrainte résultant de cet éloignement. Outre l’éloignement géographique, la barrière linguistique et la différence de régime juridique sont également à prendre en considération.
Les exceptions liées à la nature de la créance
Une jurisprudence a limité le bénéfice de ce délai de distance aux seules créances antérieures à l’ouverture de la procédure. En effet, dans le cas où la créance (créance d’indemnité) découle d’une procédure de résiliation d’un contrat en cours, le délai n’est pas augmenté.
Selon la jurisprudence, les créanciers concernés par ces types de créances mentionnés aux articles L. 622-13, L. 622-14 et au 2° du III du L. 622-17 bénéficient d’un délai d’un mois. Ce délai court à compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation.
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