Lors du jugement d’ouverture d’une procédure collective, notamment en cas de redressement judiciaire, les poursuites individuelles des créanciers sont arrêtées. On parle de « suspension des poursuites », terme utilisé à tord avant la loi de sauvegarde des entreprises. En effet, cette loi a éclairci le principe aujourd’hui défini « d’interruption des poursuites ». Ce principe signifie que le règlement collectif des difficultés remplace le droit commun des « poursuites individuelles », étant donné que le débiteur est placé sous la protection du tribunal.
Sommaire de l'article
Le principe de suspension des poursuites individuelles
L’objectif d’une procédure collective est de permettre à une entreprise endettée d’assurer le paiement de tous ses créanciers. Ainsi, il est primordial de préserver le patrimoine de cette entreprise débitrice afin d’éviter qu’i ne diminue avant le remboursement des créanciers. Par ailleurs, il est aussi important de protéger l’égalité entre les créanciers. De ce fait, aucun d’entre eux ne peut poursuivre individuellement le débiteur pour exiger le paiement de sa créance individuelle.
Une telle démarche pourrait nuire aux autres créanciers qui présentent un risque important de ne pas être remboursés.
Poursuites individuelles interdites lors de l’ouverture d’une procédure collective
L’article L622-21 du Code de commerce énonce les différents types de poursuites individuelles interdites lors de l’ouverture d’une procédure collective, telles que l’action pour le paiement d’une somme d’argent ou l’action en résiliation d’un contrat en cas de défaut de paiement.
Dans un arrêt du 6 mai 2009, la Cour de cassation a défini ces interdictions d’ordre public (Cass civ 1ʳᵉ, 6 Mai 2009, n°08-10281). Du fait de ce caractère d’ordre public, le juge doit les soulever qu’elles soient invoquées par le débiteur lui-même ou non (Cass com, 1ᵉʳ juillet 2020 n°19-11658).
Application de la suspension des poursuites aux cautions
La suspension des poursuites s’applique également aux cautions de la société. Dès l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire notamment, toutes les actions en justice contre la caution sont suspendues jusqu’à ce que le tribunal prenne une décision sur le sort de la société. Dans le pire des scénarios, le juge prononce la liquidation judiciaire.
Toutefois, il faut remarquer que dans le cas d’une procédure de liquidation judiciaire, la situation de la caution est différente. Elle peut être poursuivie par les créanciers et faire l’objet d’un recours à leur encontre.
L’extension du principe aux voies d’exécution
L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire entraîne la suspension des saisies immobilières en cours conformément au principe prévu dans l’article L 622-21 du Code de commerce. Les créanciers se heurtent, du fait du jugement d’ouverture, à cette interdiction de poursuivre toutes les procédures d’exécution sur les biens meubles et les biens immeubles. De même, les procédures de distribution qui n’ont pas abouti à un effet attributif avant le jugement d’ouverture sont également concernées. C’est le cas par exemple des adjudications définitives.
Cette suspension résulte de plusieurs articles du Code de commerce (article L. 622-21, II, l’article L. 631-14, l’article L. 642-18, alinéa 2, et l’article L. 643-2, alinéas 1 et 3) et s’applique aux autres procédures collectives telles que la sauvegarde et la liquidation judiciaire. Il est nécessaire de préciser que la suspension lors du redressement judiciaire s’applique uniquement aux saisies immobilières en cours.
La saisie immobilière « en cours » se défini comme le transfert de propriété d’un bien qui n’a pas été définitivement réalisé au jour de l’ouverture du redressement judiciaire. Cependant, s’il y a déjà eu transfert du bien hors du patrimoine du débiteur avant le jugement d’ouverture, la saisie immobilière est déjà achevée. Il n’est donc plus possible de la suspendre. À titre d’illustration, dans le cadre d’une saisie attribution lors de laquelle le transfert de propriété est immédiat, la suspension de la saisie est impossible si le bien a déjà été attribué à un tiers avant le jugement d’ouverture.
Les effets de la suspension
- D’une part, la suspension des poursuites individuelles permet au débiteur de reconstituer sa trésorerie pour mieux désintéresser ses créanciers ou pour concevoir un plan de restructuration.
Le mandataire judiciaire devient ainsi le seul compétent pour mener les actions des créanciers. Celui-ci a pour mission de superviser le bon déroulement du redressement judiciaire. Cette suspension des poursuites individuelles offre aux créanciers la possibilité de faire valoir leurs créances en les déclarant. Ce n’est que par le biais de cette déclaration que leurs créances peuvent puissent être prises en compte. Seules les créances prévues à l’article L. 622-17 sont exemptées de cette suspension.
- D’autre part, la suspension des procédures d’exécution a pour effet d’arrêter la procédure d’exécution et pas simplement de l’interrompre.
L’interruption est, en effet, propre aux actions en justice ou instances en cours (Com. 27 septembre 2017). Les procédures d’exécution sont véritablement arrêtées et ne peuvent être reprises comme les instances interrompues. Les actes de la procédure antérieure à l’ouverture du redressement judiciaire conservent de ce fait leur fondement juridique sans anéantissement rétroactif.
Les limites au principe de suspension des poursuites individuelles
Le principe de suspension des poursuites individuelles ne s’applique pas dans le cadre de la procédure de conciliation. Seuls des délais de paiement peuvent être acceptés. Toute poursuite individuelle qui aurait pu faire obtenir le paiement des créances est suspendue dès l’homologation de l’accord de conciliation.
Par ailleurs, le principe est limité quant à ses bénéficiaires.
Il profite uniquement au débiteur en redressement judiciaire et non pas aux dirigeants sociaux du fait de leurs fautes personnelles.
En ce qui concerne la procédure de saisie immobilière, sa continuation est possible si elle est convertie en liquidation judiciaire par une ordonnance du juge-commissaire suite à une requête du liquidateur judiciaire. Ainsi, le liquidateur va être subrogé dans les droits du créancier pour les actes qu’il a effectués (article L.642-18 du Code de commerce).
Le cabinet LLA Avocats est à votre disposition pour toutes questions sur la suspension des poursuites !