Le débiteur est dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens dès l’ouverture d’une liquidation judiciaire (article L641-9 du Code de commerce). Cette mesure vise à éviter les actes qui seraient préjudiciables pour les créanciers. Les actes pris en violation du dessaisissement seront irréguliers. Le débiteur conserve toutefois ses droits propres, notamment les droits extra-patrimoniaux qui échappent au dessaisissement. Il convient ainsi pour le débiteur de connaître les droits touchés par le dessaisissement et ceux qui ne le sont pas, afin d’assurer le bon déroulement de la procédure de liquidation judiciaire.
Sommaire de l'article
Le dessaisissement du débiteur au profit du liquidateur
La loi prévoit le dessaisissement du débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens à l’ouverture de la liquidation judiciaire. Les actes accomplis par celui-ci au mépris de la règle de dessaisissement seront frappés d’inopposabilité ou de nullité en fonction de la nature de l’acte.
Le dessaisissement de l’administration et de la disposition des biens du débiteur
D’abord, le dessaisissement du débiteur commence à l’ouverture de la liquidation judiciaire et prend fin à la clôture de celle-ci. Tous les droits et actions concernant le patrimoine du débiteur sont exercés par le liquidateur tout au long de la procédure. Si le débiteur est une personne morale, le liquidateur exerce des fonctions de dirigeant. S’il s’agit d’une personne physique, le liquidateur exerce les droits relevant du patrimoine personnel du débiteur, mais également de son patrimoine commun si celui-ci est marié.
Une fois dessaisi, le débiteur ne peut plus vendre un actif, encaisser une somme d’argent, résilier un contrat, ou encore participer à un partage amiable d’indivision (Cass. Civ.1ère, 7 novembre 2018, n°17-27272). Il n’a pas non plus la qualité de procéder au recouvrement des sommes qui lui sont dues ou de présenter une requête en transaction (Cass.Com, 26 février 2020, n°18-21117). Tous ces actes relèvent ainsi de la qualité du liquidateur judiciaire. Par ailleurs, le liquidateur peut agir en responsabilité contre l’avocat du débiteur même s’il est intervenu dans le cadre du droit propre du débiteur (Cass. Com, 8 février 2023, n°21-16954).
Les effets de la violation du dessaisissement
Les actes juridiques pris par le débiteur au mépris du dessaisissement sont irréguliers et inopposables à la procédure collective, notamment aux créanciers représentés par le liquidateur (Cass.Com., 5 juillet 2005, n°04-13.266). Par contre, les actes de procédure accomplis par le débiteur seul en violation de la règle sont frappés d’une nullité.
La Cour de cassation considère que seul le détenteur de l’intérêt à agir au nom des créanciers, à savoir le liquidateur, peut invoquer le dessaisissement (Cass. Com, 22 janvier 2013, n°11-18904, Cass. civ. 3ᵉ, 2 mars 2022, n°20-16787). Le liquidateur dispose du délai de prescription de droit commun, c’est-à-dire de trois ans, pour intenter une action en inopposabilité de l’acte irrégulier.
Les limites du dessaisissement : les droits propres du débiteur
Il faut d’abord noter que le débiteur entrepreneur individuel peut effectuer une déclaration d’insaisissabilité pour faire échapper certains biens immobiliers au dessaisissement. Ensuite, le principe est que le débiteur conserve ses droits personnels non patrimoniaux. Tous les droits attachés à la personne du débiteur échappent au dessaisissement, mais la liste n’est pas exhaustive. Il peut ainsi librement contracter un mariage, divorcer ou encore voter. Il conserve également ses droits propres sur les biens insaisissables, les biens mobiliers nécessaires à la vie et à son travail ainsi qu’à celui de sa famille, les pensions alimentaires et toutes sommes à caractère alimentaire. De même, le débiteur conserve ses droits propres en matière de succession (Cass.Com., 21 novembre 2018, n°17-12.761).
Concernant les actions en justice, le débiteur peut se constituer seul partie civile en vue d’établir la culpabilité de l’auteur d’un délit ou d’un crime dont il serait victime (article L641-9 du Code de commerce). Toutefois, cela n’empêche pas le liquidateur de percevoir les dommages et intérêts alloués au débiteur (Cass. plénière, 15 avril 1983, n°80-13339 et Cass.Com., 9 juin 2022, n°21-12348). Le débiteur peut également faire appel d’un jugement de divorce ou d’une décision fixant les créances entre époux dans le cadre de la liquidation de leur communauté, même si celle-ci a un caractère pécuniaire (Cass.Com., 22 février 2017, n°15-17939).
Enfin, le débiteur conserve son droit d’être salarié. Cependant, il sera représenté par son liquidateur si une saisie sur ses salaires est envisagée. Il conserve aussi les droits processuels, c’est-à-dire la faculté de se présenter devant le tribunal de procédure collective ou le juge commissaire et d’exercer des voies de recours contre les décisions du tribunal de la procédure collective ou celles du juge commissaire (Cass.Com., 1ᵉʳ juillet 2020, n°19-11134).
En résumé, le dessaisissement du débiteur ne s’applique pas aux droits personnels non patrimoniaux, à la gestion des biens insaisissables, aux actes de la vie courante, au droit d’être salarié ainsi qu’à certains droits d’agir en justice et actions pénales.
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