Le juge-commissaire est chargé de l’admission d’une créance ou de son rejet. Il constate aussi si une instance est en cours ou que la contestation ne relève pas de sa compétence (article L. 624-2 du Code de commerce). Alors que les textes ne prévoient que l’incompétence du juge-commissaire en cas de contestation d’une créance, la jurisprudence a créé la notion de dépassement des pouvoirs juridictionnels. L’idée est que le juge-commissaire est un simple juge de l’évidence de la créance, dont une contestation sérieuse dépasserait ses pouvoirs. La distinction entre décision d’incompétence ou de dépassement du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire a une incidence importante sur la suite d’une contestation de créance dans le cadre d’une procédure collective.
Sommaire de l'article
La limitation du pouvoir du juge-commissaire en matière de créance
Le principe est que le juge commissaire ne peut statuer ni sur le fond de la créance ni sur les contestations sérieuses. Cela conduit à deux situations : soit il y a incompétence, soit il y a dépassement de pouvoir juridictionnel. Mais, la limite entre ces deux notions n’est pas toujours évidente.
L’incompétence du juge-commissaire
D’abord, il faut savoir que la vérification de créance est une étape importante dans le cadre d’une procédure collective. Elle permet au dirigeant de l’entreprise de connaître avec précision le montant du passif qu’il devra régler. Il appartient au mandataire judiciaire, au débiteur et, le cas échéant, aux contrôleurs désignés, de vérifier les créances (article R624-1 Code de commerce). Le rôle du juge-commissaire est d’admettre ou de rejeter une créance, ou de constater qu’un litige sur la créance est en cours (article L. 624-2 du Code de commerce).
La compétence du juge commissaire pour statuer sur une contestation de créance est ainsi limitée. En effet, il n’est pas compétent pour statuer sur le fond de la créance ni sur les contestations sérieuses. Il peut donc se déclarer incompétent d’office, c’est-à-dire par sa propre initiative, soit sur proposition du mandataire judiciaire. Il invite ainsi les parties à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois. (article R624-5 Code de commerce). L’effet de la décision d’incompétence est en principe le dessaisissement du juge-commissaire au profit du juge compétent.
Le dépassement des pouvoirs juridictionnels
Alors que l’incompétence du juge-commissaire est encadrée par la loi, ce n’est pas le cas du dépassement des pouvoirs juridictionnels. Pourtant, la limite entre les deux notions s’avère parfois floue. Néanmoins, l’idée derrière le dépassement est que le juge-commissaire n’a pas le pouvoir juridictionnel de trancher sur autre chose que la créance. Dans ce cas, il n’est que juge d’une évidence de l’existence ou de l’inexistence de la créance. (Cass Com, 16 septembre 2008, n°07-15982).
La jurisprudence a ainsi consacré la notion d’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire. Au lieu de constater qu’il est incompétent, on considèrerait plutôt qu’il n’a pas le pouvoir juridictionnel de statuer. Si il statue sur demande d’une partie, la matière sera régie par les règles de fin de non-recevoir issue de l’absence de pouvoir. Elle peut être relevée d’office (Cass Com 27 septembre 2017, n°16-16414) .
Les effets du dépassement des pouvoirs juridictionnels
La Cour de Cassation a construit le régime de la décision constatant le dépassement de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire en matière de vérification des créances. Celui-ci doit surseoir à statuer et inviter les parties à saisir la juridiction compétente.
- Sursis à statuer
Le juge-commissaire qui a dépassé les pouvoirs juridictionnels en matière de vérification de créance doit surseoir à statuer tant que la décision du juge dont l’affaire relève des pouvoirs reste inconnue. Cela n’entraîne donc pas le dessaisissement du juge-commissaire. Ainsi, il peut à tout moment révoquer le sursis. En effet, la décision de sursis peut faire l’objet d’un recours, mais ne pourra pas ensuite donner lieu à un pourvoi en cassation (Cass. Com, 24 janvier 2018 n°16-18274).
- Saisine du juge compétent
Le juge-commissaire est tenu d’inviter les parties à saisir la juridiction compétente pour trancher sur une contestation de créance. Après certaines hésitations, la Cour de Cassation a admis que le délai d’un mois prévu par l’article R624-5 du Code de commerce s’applique (Cass com 13 octobre 2015, n°14-18581) et implicitement (Cass. Com. 2 novembre 2016, n°15-13273).
Dans une récente décision, la Cour de cassation a reconnu qu’une contestation d’une créance ayant une incidence directe sur le principe et le montant de la créance déclarée conduit le juge-commissaire à inviter le débiteur à saisir le juge compétent de la contestation et de surseoir à statuer sur l’admission de la créance. (Cass. Com. 29 mars 2023, n°21-20.452)
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