Le bail commercial faisant partie du fonds de commerce, peut être amené à être cédé dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire. Le problème qui se pose est de savoir si une clause d’agrément contenue dans le contrat de bail, soumettant la cession du bail commercial à l’agrément du bailleur survivait à la procédure de liquidation judiciaire. La haute juridiction a répondu par l’affirmative, que la cession soit partielle ou dans le cadre d’une cession totale du fonds de commerce.
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La cession du bail commercial dans le cadre d’une liquidation judiciaire
Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le principe est la continuation des contrats en cours. Cela signifie que le liquidateur judiciaire doit faire en sorte de préserver les contrats conclus avant la mise en liquidation judiciaire, dans le but de pouvoir continuer les activités et payer les créanciers. Néanmoins, pour les nécessités de l’exercice, il arrive que la cession soit incontournable. La cession peut-être soit isolée de la cession du fonds de commerce ou accompagnant celui-ci (article L 641-12 du Code de commerce).
Le principe de continuation des contrats et l’interdiction de la résiliation automatique du bail commercial
Lorsque la décision de liquidation judiciaire est prononcée, les contrats en cours restent valables selon l’article L 145-45 du Code de commerce. Ainsi, le liquidateur doit tout mettre en œuvre pour respecter les obligations du preneur, notamment le paiement du loyer, paiement de toutes les charges et obligations locatives. De la même manière, le bailleur reste tenu de ses obligations.
De ce fait, toute clause prévoyant la résiliation automatique du bail en cas de liquidation judiciaire est nulle et inopérante. Le liquidateur, voire le preneur, est en droit d’exiger la continuation du contrat.
La cession du bail dans le cadre d’une cession totale de l’entreprise locataire
Tandis qu’une procédure de sauvegarde d’une entreprise ne peut qu’aboutir à une cession partielle de l’activité, la procédure de liquidation, elle peut aboutir aussi à une cession totale. Il est alors possible que la cession de l’activité soit accompagnée de la cession du bail commercial. Auparavant, avant la décision de la Cour de cassation du 19 avril 2023, (Cass. com., 19 avr. 2023, n° 21-20.655, B), certaines clauses du bail étaient privées d’effet, dès lors que la cession était totale. En effet, les clauses d’agrément du cessionnaire par le bailleur ainsi que les clauses de solidarité entre le cédant et le repreneur sont inopérantes. Par contre, le pacte de préférence privilégiant le bailleur dans le cadre de la cession restait applicable.
La cession isolée du bail commercial dans le cadre de la liquidation judiciaire
Le bail commercial peut être cédé isolément, indépendamment du reste de l’entreprise. Il s’agit en effet d’un actif du locataire. Contrairement à la cession de toute l’activité, la cession isolée n’entraîne pas la perte d’effets des clauses contenues dans le bail. La règle est le respect de l’intégralité des stipulations du contrat de bail et des dispositions du statut des baux commerciaux (C corn., art. L. 641-12, al. 5). La seule exception est la clause de solidarité insérée au contrat. Si le contrat le prévoit, l’agrément du bailleur est nécessaire et la cession ne peut avoir lieu que dans le respect des dispositions prévues par une clause spécifique telle une clause de préférence.
L’intervention du juge-commissaire dans le cadre d’une cession de bail commercial lors de la procédure de liquidation judiciaire
Toute cession de meubles dans le cadre d’une liquidation judiciaire doit être soumise à l’autorisation préalable du juge-commissaire. En effet, tout comme la cession du fonds de commerce, la cession du droit au bail est régie par l’article L. 642-19 du Code de commerce.
Le juge-commissaire a pour mission de fixer toutes les modalités de toute opération de vente selon l’article L642-19 du Code de commerce. La cession peut donc se faire de gré à gré si elle est de nature à garantir les intérêts du débiteur, et se faire soumettre le projet de cession pour qu’il puisse vérifier sa conformité aux termes de son ordonnance.
L’agrément du bailleur, nécessaire à la cession du bail commercial quelle que soit l’étendue de la cession
Une nouvelle position de la Haute juridiction a pu être connue dans la décision du 19 avril 2023. Désormais, peu importe la nature de la cession de bail commercial (isolée ou faisant partie de la cession totale du fonds de commerce), la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur est opérante.
Cette position de la Cour de cassation se justifie par la combinaison des articles suivants : ancien art. 1134 (Abrogé par Ord. no 2016-131 du 10 févr. 2016, à compter du 1er oct. 2016), des articles L. 145-16, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 février 2022, L. 641-12 et L. 642-19 du Code de commerce. En effet, le contrat de bail conclu initialement tient lieu de loi aux parties.
De plus, la cession se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture. Ainsi, si à la date d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, la clause d’agrément a déjà existé, le liquidateur a l’obligation de la respecter. Cette position a pour fondement la protection du bailleur contre les risques d’insolvabilité du cessionnaire. Si le bailleur, par le biais de cette clause, refuse le cessionnaire, le preneur initial peut saisir le tribunal et faire ordonner la cession s’il y a preuve d’un abus de refus du bailleur.
De son côté, le bailleur ne peut pas se prévaloir de la cession pour renégocier les termes du bail, notamment concernant le loyer. Sa relation reste identique à celle qu’il avait eue avec le preneur initial jusqu’à son terme.