L’exécution provisoire de jugement permet d’exécuter une décision de justice malgré l’existence d’une voie de recours. Elle est prévue aux articles 514 et suivants du CPC. En matière de procédures collectives, surtout en ce qui concerne la liquidation judiciaire, cette exécution provisoire peut s’avérer dangereuse, car irréversible. Il est ainsi possible de demander au président de la Cour d’appel d’en ordonner la suspension de l’exécution provisoire.
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Le fondement juridique de la suspension d’une exécution provisoire d’un jugement de liquidation judiciaire
L’exécution provisoire signifie que la partie qui a eu gain de cause peut exécuter le jugement contre son adversaire même si ce dernier a fait un recours (par exemple l’appel). Il s’agit d’une décision accessoire prononcée par le tribunal en matière civile. Elle peut donc être écartée par le juge, elle est réductible. Cependant, en matière commerciale, l’exécution provisoire est irréductible. Notamment pour les procédures collectives qui relèvent de l’article R. 661-1 du code de commerce. Il s’agit d’éviter la paralysie, l’effet de certaines décisions jugées primordiales et urgentes, afin de préserver l’actif de la société, voire l’ordre public économique. Les exceptions à ce principe sont listées au deuxième alinéa dudit article.
La suspension de cette exécution provisoire a été instituée afin de remédier aux conséquences irréversibles. Elle est prévue par l’article 514-3 du Code de procédure civile. Cet article dispose que le premier président de la Cour d’appel peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision de justice s’il y a réunion de plusieurs conditions. Ces conditions tiennent aux possibles conséquences de l’exécution et à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou réformation. En cas d’appel, l’article 517-1 du Code de procédure civile ajoute une autre condition selon laquelle l’exécution provisoire ne peut être arrêtée que si elle est interdite par la loi. Avant le 1er janvier 2020, le texte applicable était l’article 524 du même code.
Les conditions à réunir pour une suspension d’une exécution provisoire d’un jugement
Les conditions sont multiples et tiennent à la compétence et au motif de la demande de suspension.
D’abord, la suspension de l’exécution provisoire est de la compétence exclusive du premier président de la Cour d’appel. Si l’on se réfère aux textes précités, il est le seul compétent et est saisi, soit par voie d’assignation, soit en référé. Les jugements statuant sur la liquidation judiciaire après une période d’observation, et les jugements condamnant au comblement du passif sont dans la plupart du temps pris en référé.
Ensuite, il est nécessaire de justifier l’existence d’un moyen sérieux d’annulation (CA Douai, arrêt du 15 février 2021 (n° 21/00010)) ou de réformation de la décision. L’appréciation du caractère sérieux relève entièrement du premier président. En cas d’erreur de droit, justifiant une réformation, de la part du juge de première instance, il peut arrêter l’exécution de la décision. Dans le cadre d’une procédure de référé, l’exécution provisoire ne pourra être suspendue qu’en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12.
Elle n’est également recevable que lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ou en cas d’irrégularité de la procédure. L’on peut citer un exemple (Ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Lyon du 15 octobre 2018). Dans cette affaire, le dirigeant social n’a pas pu comparaître devant le tribunal de commerce, n’ayant pas été assigné. Il y a donc violation grave et manifeste du principe du contradictoire. Mais aussi du droit de la défense et par conséquent du droit au procès équitable.
De plus, l’autre condition est le risque de conséquences manifestement excessives. La détermination de ce caractère manifestement excessif est donnée par la Cour de cassation. Peu importe le montant de la condamnation, le caractère est déterminé sur la base de la situation du débiteur. Mais aussi de ses facultés de remboursement du créancier. (2ème Civ 1er octobre 2009, N° de Pourvoi 08-18225).
Il faut préciser que l’exécution provisoire peut également être arrêtée sur appel du ministère public. Elle est arrêtée de plein droit, sans qu’il y ait vérification.
La procédure de suspension d’exécution provisoire d’un jugement
Dans le cas de la suspension d’une décision d’ouverture d’une liquidation judiciaire, le référé est la procédure à suivre. Il est important de préciser qu’aucun délai n’a été imparti pour saisir le premier président de la Cour d’appel afin de demander la suspension d’exécution provisoire d’un jugement. Même après le dépôt d’une déclaration d’appel.
Par ailleurs, depuis 2014, la décision rendue par le premier président de la Cour d’appel n’est pas susceptible de pourvoi (article 525-2 du CPC).
Pour saisir le premier président, il est nécessaire de :
- se renseigner sur l’adresse de la Cour d’appel du premier président saisi ;
- faire une assignation en adressant à la greffe de la Cour d’appel en joignant toutes les pièces justificatives nécessaires.
Il faut préciser qu’une demande de suspension d’exécution provisoire peut être abusive. Mais également sanctionnée par l’octroi de dommages-intérêts (2e Civ., 12 novembre 1997, Bull. 1997, II, n° 274, pourvoi n° 95-20.280). La détermination de ce caractère abusif relève de la compétence du premier président qui décide s’il y a légèreté et mauvaise foi.
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