Dirigeant et responsabilité en cas de dépôt de bilan de la société

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Interdiction de gérer

La responsabilité personnelle du dirigeant lors du dépôt de bilan d’une société peut entraîner des sanctions en cas de faute de gestion. Cette procédure, initiée par le mandataire-liquidateur ou le Procureur de la République, demande au dirigeant d’anticiper une défense solide dès réception de l’assignation en sanction. Dans ce contexte, l’assistance d’un avocat expérimenté est vivement recommandée. Nous illustrons cette problématique à travers des exemples concrets où nous avons réussi à réduire ou annuler les sanctions encourues par nos clients.

Quand est ce que peut être engagée la responsabilité du dirigeant ?

Un dirigeant est par principe responsable à la fois à l’égard de la société qu’il dirige mais également dans les rapports avec les tiers. Bien souvent, le dirigeant est également associé de la société et en raison de la responsabilité limitée attachée à cette dernière, il n’est engagé qu’à hauteur de son apport. Autrement dit, cela signifie que les associés ne peuvent pas perdre plus que ce qu’ils ont apporté (en numéraire ou en nature) à la société.

Ainsi, en cas de dépôt de bilan, les créanciers de l’entreprise ne peuvent par principe se tourner vers le dirigeant pour lui demander de payer sur ses deniers personnels le passif de l’entreprise. Ce principe connait des tempéraments en cas de faute de gestion imputable personnellement au dirigeant qui ne relève pas de la gestion normale de l’entreprise. En effet, dans ce cas sa responsabilité civile voire pénale peut être engagée.

Absence de déclaration de l’absence de cessation des paiements

Parmi les fautes, on trouve l’absence de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai légal (45 jours), un taux d’endettement trop important, l’engagement de ressources financières bien supérieures à la capacité financière de la société, le non-paiement de salaires, ou encore la poursuite de l’activité déficitaire et l’accroissement du passif ou encore le détournement d’actifs de l’entreprise.

Plusieurs sanctions sont alors encourues : la faillite personnelle (sanction professionnelle empêchant toute fonction au sein d’une société et tout représentation de celle-ci), le fait de devoir régler personnellement les créanciers si la responsabilité du dirigeant a été retenue pour insuffisance d’actif (anciennement comblement de passif), ou encore l’interdiction de diriger une entreprise pouvant aller jusqu’à 15 années.

Pour les fautes de gestion les plus graves, comme l’utilisation de fonds de la société à des fins personnelles, des fraudes fiscales répétées, certains délits peuvent être poursuivis par le ministère public, comme celui de banqueroute.

Dans ce type de procédure, il est essentiel de démontrer au juge les circonstances entourant les faits et de mettre en lumière la réalité eu égard aux diligences accomplies par le dirigeant. Consulter un avocat en amont permet de bien préparer le dossier et d’éviter des sanctions injustifiées et très lourdes. Le Tribunal sera particulièrement attentif à la défense du dirigeant et à sa prise de conscience des faits reprochés. »

L’appréciation relative de la faute du dirigeant en pratique

La faute de gestion est une notion qui n’est pas fixée par la loi. Celle-ci est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Une faute de gestion est généralement considérée par les juges comme un acte effectué par le dirigeant, ou l’omission d’effectuer un acte qui ne correspond pas à ses obligations légales en tant que dirigeant, et qui entraîne des conséquences financières préjudiciables aux créanciers (« aggravation du passif »).

Cessation des paiements

Certaines fautes sont fixées par la loi : c’est le cas du dépôt de bilan obligatoire dans le délai de 45 jours après la date de cessation des paiements. Dans de très nombreux dossiers, le premier grief contesté par le dirigeant est l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal.

L’article 239 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 dite « Loi MACRON » est venu modifier l’alinéa 3 de l’article L. 653-8 du code de commerce à la faveur des dirigeants.

Désormais, l’article dispose qu’un dirigeant peut être sanctionné s’il :

 « a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ».

 La jurisprudence, notamment celle de la Cour d’appel de Paris, considère que la nouvelle rédaction de cet article s’applique aux procédures collectives en cours à la date de publication de la loi du 6 août 2015.

Le législateur impose donc que le demandeur, fût-il le Procureur de la République, démontre que le dirigeant a procédé à la faute de manière consciente.

La jurisprudence entend par là que le dirigeant doit avoir eu parfaitement conscience de son état de cessation des paiements et n’avoir malgré tout pas déposé le bilan.

Il doit s’être abstenu délibérément de déclarer l’état de cessation des paiements

Ainsi, pour que le défaut de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal puisse être retenu à l’encontre du dirigeant, il faut que soit démontré que ce dernier ne pouvait ignorer l’état de cessation des paiements. Ce qui n’est pas toujours facile à démontrer. Cela nécessite une analyse particulière de la situation financière de la société sur la « période suspecte » précédent l’état de cessation des paiements. Également, le comportement et les diligences accomplies par le dirigeant sont passées au crible.

Comme nous l’indiquions déjà ici en matière de moyens de défense du dirigeant, il est envisageable de démontrer que les dates invoquées par le Procureur ou le liquidateur ne correspondent pas aux faits. Ainsi, dans un dossier d’un dirigeant d’une société de consultant informatique qui encourait la faillite personnelle, nous avons pu faire valoir que ce dernier avait tenté et obtenu de l’administration fiscale de réduire et échelonner sa dette fiscale. Le passif de la société étant exclusivement fiscal, et du fait de l’échelonnement obtenu, il était incohérent de reprocher l’absence volontaire de déclaration de cessation des paiements. Le grief de sanction a ainsi pu être écarté dans le cadre de la procédure d’appel. Ce qui a valu au dirigeant une diminution conséquente de la condamnation prononcée par le Tribunal en première instance (5 ans d’interdiction de gérer au lieu des 10 ans prononcés en première instance).

Absence de comptabilité

Il s’agit également d’un des griefs les plus retenus à l’encontre des dirigeants d’entreprise qui déposent le bilan. Dès lors qu’une comptabilité n’est pas tenue régulièrement, que les comptes ne sont pas déposés au greffe ou qu’ils sont manquants, cela peut être constitutif d’une faute de gestion à l’encontre du dirigeant.

En pratique, cela va particulièrement dépendre des éléments comptables à disposition qui permettent de démontrer si le dirigeant disposait véritablement d’outils lui permettant de contrôler correctement l’activité de son entreprise. Ces éléments doivent être appréciés au cas par cas, et il est primordial d’avoir un avocat ainsi qu’un expert-comptable à vos côtés pour évaluer les risques liés à ce type de grief.

Engagement de frais excessifs

Lorsque des frais excessifs sont engagés par le dirigeant par rapport à l’activité et à la trésorerie de la société, sa responsabilité peut être engagée. Les circonstances sont souvent complexes, et les dirigeants ne réalisent pas toujours que de telles dépenses peuvent nuire à l’entreprise. Avec l’expertise d’un avocat, il est nécessaire de rétablir la réalité des faits en tenant compte de l’investissement et de la bonne foi du dirigeant qui tente souvent de sauver son entreprise.

Dans l’un de nos dossiers, malgré le risque initial de 5 ans d’interdiction de gérer, le juge a réduit la sanction à 3 ans, reconnaissant la gestion réussie des autres sociétés par le dirigeant. De même, une sanction potentielle de 200 000 euros pour insuffisance d’actif a été réduite à 20 000 euros grâce à une procédure et une défense ciblées. La coopération dans une procédure collective est souvent appréciée par le tribunal, qui décide seul de la sanction à imposer.

Circonstances telles qu’il n’y a lieu à statuer

Il est en effet de jurisprudence constante que même lorsque les faits reprochés sont prouvés, le juge saisi dispose d’une faculté d’appréciation en matière de sanction personnelle. En effet, ce dernier apprécie si la sanction, dans son principe même, est ou non opportune, et peut ne pas la prononcer même si les faits sont établis (Cass. com. 23 mai 2000, n°97-20.865, CA Paris 9 nov. 2001 : JurisData n° 2001-164692).[1].

A ce titre, la Cour de cassation rappelle qu’en toute hypothèse, la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer sont facultatives (Cass. com. 17-4-2019 n° 18-11.743 ; Cass. com. 17-4-2019 n° 18-11.685). Cette faculté d’appréciation d’opportunité se fonde notamment sur le principe de proportionnalité applicable en la matière.

Le Tribunal prend en compte les circonstances particulières dans lesquelles les faits sont intervenus.

En effet, comme exposé, un certain nombre d’éléments sont de nature à aggraver, ou alléger, la sanction, dans sa nature ou sa durée, voire à justifier, aux yeux du juge, de n’en prononcer aucune. Selon un arrêt récent de la Cour de cassation, « le tribunal qui prononce une mesure d’interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l’intéressé » (Cass com. 17 avr. 2019, n° 18- 11.743).

Ainsi, dans un dossier complexe opposant un dirigeant social à une société mère qui avait fait l’objet d’un rachat par un nouvel associé majoritaire, le dirigeant a dû faire face à la volonté affichée de la société mère de rompre brutalement les opérations commerciales avec sa filiale qui était pourtant son unique client. Une interdiction de gérer était encourue par le dirigeant qui avait fait l’objet de poursuites à l’initiative du Procureur de la République.

Dans le cadre de sa défense, nous avons fait valoir un certain nombre d’arguments, notamment l’acharnement de la société mère à l’égard de la filiale et sa volonté affichée de ne pas régler ses dettes, mais également la compétence établie du dirigeant qui a exercé ses fonctions pendant treize années et qui avait réussi à organiser un plan économique permettant à la filiale de perdurer économiquement en demeurant in bonis.

Ainsi, le tribunal a déclaré qu’aucune sanction personnelle n’était encourue. Le dirigeant a ainsi pu éviter une interdiction de gérer.

Interdiction de gérer et création d’une société

Enfin, il n’est pas rare qu’un dirigeant qui fait l’objet d’une procédure visant à le voir sanctionner par une interdiction de gérer a entretemps recréé une nouvelle société avant le prononcé de la sanction. En cas de prononcé d’une interdiction de gérer générale, le dirigeant sera donc contraint de démissionner de ses fonctions dans la nouvelle société.

Pour autant, le Tribunal peut être amené à prendre en compte les spécificités de la nouvelle activité du gérant et notamment son caractère distinct de celui de la société en procédure collective. Nous avons ainsi pu obtenir à plusieurs reprises des décisions dans lesquelles le Tribunal a expressément exclu du périmètre de la sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer la nouvelle société gérée par le dirigeant objet de la procédure.

En conséquence, la sanction qui peut être prononcée à l’encontre d’un dirigeant qui dépose le bilan est loin d’être automatique et une bonne défense peut permettre de l’atténuer, de la réduire voir de l’exclure.

LLA Avocats se tient à votre disposition pour défendre vos intérêts dans toutes les procédures en interdiction de gérer, faillite personnelle et insuffisance d’actif/comblement de passif.

[1] CA Paris, 9 nov. 2001 : JurisData n° 2001-164692 ; Dr. sociétés 2002, comm. 111, obs. J.-P. Legros

 

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