Aujourd’hui, les opérations de fusions-acquisitions, regroupements et restructurations se multiplient. Elles permettent à de nombreuses sociétés de développer des stratégies financières intéressantes. En principe, ces opérations permettent de créer des synergies entre les agents économiques. Elles permettent également de développer l’activité de la ou les sociétés.
L’article L 236 -1 du code de commerce définit la fusion comme une opération par laquelle :
Une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion, transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent et que les opérations de fusion sont ouvertes aussi aux sociétés en liquidation tant que la répartition des actifs entre les associés n’ait pas fait l’objet d’un début d’exécution.
L’opération de fusion se définit comme :
la transmission par une ou plusieurs sociétés de leurs patrimoines à une société existante ou à une société nouvelle qu’elles construisent.
Peut-on annuler une opération de fusion ?
Si oui, quels sont les motifs permettant d’obtenir la nullité d’une opération de fusion ?
Quel est le délai d’action pour solliciter la nullité d’une opération de fusion ?
Sommaire de l'article
☔ Action en nullité des opérations de fusion des sociétés
L’article 1178, alinéa 1er, du code civil, droit commun de toutes les nullités, dispose que :
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.
Doit-on considérer cette opération de fusion comme un contrat pour la déclarer nulle en cas de manquement ?
Les parties à l’opération de fusion doivent-elles nécessairement recourir au juge ?
Il s’agit de préciser d’emblée que la loi ne donne aucune précision sur la nature juridique d’une opération de fusion.
En principe, l’aspect contractuel domine l’opération de fusion des sociétés. Cela vaut aussi bien à l’étape du projet qu’à celle de sa réalisation définitive. Cette opération risque, dans certains cas, la nullité en cas de manquement aux obligations comme dans un contrat.
☞ Les motifs de nullité des opérations de fusion des sociétés commerciales
L’article L 235-8, alinéa 1er, du code de commerce dispose :
La nullité d’une opération de fusion ou de scission ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l’une des assemblées qui ont décidé l’opération ou du défaut de dépôt de la déclaration de conformité mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 236-6.
En d’autres termes, on ne peut annuler une opération de fusion que pour deux motifs :
- la nullité de la délibération d’une assemblée portant sur la mise en place de l’opération ou
- le défaut de dépôt de la déclaration de conformité (alinéa 3 de l’article L. 236-6).
Les causes de nullité de droit civil ne peuvent fonder l’action en nullité d’une opération de fusion. Il s’agit notamment des vices du consentement de l’article 1130 du Code civil :
- (l’erreur, le dol et la violence),
- l’incapacité des parties (l’article 1147), ou
- l’illicéité du contrat .
De surcroît, l’opération de fusion se distingue encore du droit commun. En effet, en droit civil, les parties à un contrat constatent de commun accord la nullité d’un contrat. C’est en application de l’article 1178, alinéa 1er, du code civil. En revanche, l’opération de fusion exige absolument l’intervention du juge, conformément à l’article L 235-11 du code de commerce.
Cette décision doit faire l’objet d’une publicité dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
Cependant, l’article L 235-8, alinéa 2, du code de commerce permet au tribunal saisi d’une demande en nullité d’une opération de fusion d’accorder aux sociétés intéressées un délai pour régulariser la situation, dans l’hypothèse où il est possible de porter remède à l’irrégularité susceptible d’entraîner la nullité.
☒ Annulation des opérations de fusion en raison de la nullité de la délibération de l’une des assemblées ayant statué sur l’opération de fusion
L’article L 235 – 8 du code de commerce se limite à préciser que :
la nullité d’une opération de fusion ou de scission ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l’une des assemblées qui ont décidé l’opération ou du défaut de dépôt de la déclaration de conformité mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 236-6.
Ainsi, aucun texte de loi ne donne des précisions sur la procédure qui doit être suivie pour obtenir l’annulation d’une opération de fusion.
Qu’attendre d’une délibération régulière d’assemblée ?
A quels critères obéissent les délibérations d’assemblée ?
⌚ Régularité d’une délibération d’une assemblée d’une société
En règle générale, pour décider sur des questions qui concernent les sociétés, la collectivité des associés doivent se réunir en assemblée générale.
Pour être régulière, la convocation d’une assemblée des associés doit respecter les modalités et les délais de convocation prévus dans les statuts de chaque société.
Ainsi donc, qu’il s’agisse d’une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire, le droit à l’information reconnu aux associés leur donne droit d’y être convoqués par l’organe dirigeant de la société dans les délais et formes précisés dans les statuts, de siéger et de participer à la prise des décisions collectives sur les questions débattues.
Sur cette question, le Code civil, en son article 1844 -10, alinéa 3, précise que « La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent titre, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ».
Les délibérations d’une assemblée générale peuvent faire l’objet de contestations en justice en cas :
- d’irrégularités sur les modalités de la convocation,
- d’irrégularités sur les délais de la convocation, ou même
- d’abus de majorité, tel que cela ressort de l’arrêt de principe de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18 avril 1961.
Est-ce également le cas pour les opérations de fusion des sociétés ?
⎈ Action en nullité des délibérations des assemblées des sociétés ayant décidé d’une opération de fusion et délai d’action
Aux termes de l’article L 236 – 2 du code de commerce :
Les opérations visées à l’article L. 236 – 1 les fusions et les scissions- peuvent être réalisées entre des sociétés de forme différente. Elles sont décidées, par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts ».
Sur cette question de modification des statuts, il faut noter que les règles de modification des statuts dépendent de la forme des sociétés :
➢ Pour les SARL (sociétés à responsabilité limitée) :
En application de l’article L.223-30, alinéa 2, du code de commerce, la décision de fusion exige une majorité de trois quarts (3/4) des parts sociales.
➢ Pour les SA (sociétés anonymes) :
Les opérations de fusion exigent une majorité qualifiée (deux tiers).
➢ Pour les SAS (sociétés par actions simplifiés) :
Les opérations de fusion exigent la décision unanime des associés (Article L.227-3 du code de commerce).
S’agissant particulièrement des délibérations ayant porté sur une opération de fusion, l’article L.235–8 du code de commerce insiste sur le fait que :
la nullité d’une opération de fusion ou de scission ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l’une des assemblées qui ont décidé l’opération…
Toute action en nullité d’une délibération d’une assemblée d’une société ayant décidé d’une opération de fusion fondée sur un autre motif, notamment l’abus de la majorité, sera rejetée ;
C’est dans ce sens que le tribunal de commerce de Paris a décidé, dans sa décision du 13 novembre 1990 : Rév. Sociétés 1991, 137, obs. Guyon.
Comme en dispose l’article L.236-2 alinéa 2 du code de Commerce, la fusion est « décidée par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification des statuts ».
☘ Annulation d’une opération de fusion pour défaut de dépôt de la déclaration de conformité
La deuxième condition pouvant soutenir l’action en nullité des délibérations ayant statué sur une opération de fusion des sociétés est, selon l’article L235–8 du code de commerce, « le défaut de dépôt de la déclaration de conformité mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 236-6 ».
Cette deuxième condition d’annulation des opérations de fusion s’applique-t-elle à toutes les sociétés ?
Non, cette deuxième condition, souligne l’article L236 – 6, alinéa 2 du code de commerce, ne s’applique que pour les sociétés anonymes, les sociétés européennes et les sociétés participant à une opération de fusion transfrontalière au sein de l’Union européenne.
Loi Pacte : l’obligation de déposer une déclaration de conformité ne s’impose qu’aux sociétés anonymes (SA).
⚖ Tribunal compétent pour statuer sur les nullités des opérations de fusion et délai de prescription
Les contestations de nullité des opérations de fusion relèvent de la compétence de tribunaux de commerce. C’est l’article L.721-3 du code de commerce qui régit cela.
L’action en nullité visant une fusion ou d’une scission de sociétés se prescrit après un délai de six mois à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et des sociétés rendue nécessaire par l’opération édicté l’article L.235–9, alinéa 2 du code commerce.
En revanche, les actions en nullité de la société, d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans. Le délai court à compter du jour où la nullité est possible, sous réserve de la forclusion de l’article L. 235-6.
Ainsi, si vous envisagez de solliciter la nullité d’une résolution votée lors d’une assemblée générale, le délai pour agir est de 3 ans.
♔ Effets de la nullité d’une opération de fusion
Lorsqu’une décision judiciaire prononçant la nullité d’une fusion devient définitive, elle doit faire l’objet d’une mesure de publicité. C’est ce que précise l’article L.235-11 du code de commerce.
Cette décision est sans effet sur les obligations relatives à la charge ou au profit des sociétés. Cela vaut pour celles dont on transmet le ou les patrimoines. Cette transmission se situe entre la date de prise d’effet et la publication de la décision prononçant la nullité.
Dans le cas de la fusion, les sociétés participant à l’opération sont solidairement responsables de l’exécution des obligations. L’alinéa précédent les mentionne à la charge de la société absorbante. Il en est de même de la société objet de la scission dont on transmet le patrimoine. Les sociétés bénéficiant de son patrimoine héritent de ses obligations.
Chacune des sociétés héritière du patrimoine répond des obligations à sa charge. Ces obligations apparaissent entre la date de prise d’effet de la scission et celle de sa publication de la nullité.
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