Le créancier qui désire obtenir le recouvrement de sa créance peut être tenté d’assigner son débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire.
Se pose alors une question importante : une demande de redressement est-elle exclusive d’une demande de liquidation judiciaire?
Autrement dit, est-ce que le créancier peut demander l’ouverture d’une liquidation judiciaire après avoir déjà assigné son débiteur en redressement judiciaire?
Après avoir présenté le principe en matière de demande d’ouverture de redressement ou liquidation judiciaire (A), cet article présentera son exception (B)
Sommaire de l'article
I. Le caractère exclusif de la demande d’ouverture d’une procédure collective
Le caractère exclusif est un principe énoncé par la loi (A) et appliqué rigoureusement par la jurisprudence (B)
A. Un principe posé par la loi
L’article R. 631-2 alinéa 2 du code de commerce dispose que :
» La demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est à peine d’irrecevabilité, qui doit être soulevée d’office, exclusive de toute autre demande, à l’exception d’une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire. »
En principe, la loi interdit au créancier, assignant en redressement judiciaire une société, de former subsidiairement une demande en règlement de sa créance devant le Tribunal.
Ce principe est affirmé en jurisprudence et appliqué rigoureusement par la cour de cassation.
B. Une application rigoureuse de la jurisprudence
Par exemple, on trouve une illustration dans un arrêt récent de la cour de cassation rendu le 23 octobre 2019 (n°18-15.475). Dans cet arrêt, la cour a confirmé le caractère exclusif de la demande d’ouverture d’une procédure collective.
En l’espèce, suite à une opération de transmission universelle du patrimoine (TUP) de leur employeur au profit d’une société tierce, trois salariés ont assigné leur employeur en liquidation judiciaire.
Par conséquent, la société débitrice a été mise en liquidation judiciaire. Toutefois, l’associée unique de la société débitrice a interjeté appel en se prévalant de la disparition de la société suite à la TUP. Les salariés ont soulevé en cause d’appel la nullité de l’opération et, subsidiairement, son inopposabilité à leur égard. La cour d’appel a accueilli la demande des salariés et l’associée unique a formé un pourvoi.
La cour de cassation a affirmé que les demandes reconventionnelles des salariés ne rendaient pas irrecevable leur demande initiale (de liquidation judiciaire), mais la cour d’appel devait seulement déclarer irrecevables les nouvelles demandes des salariés.
Par cette décision, la cour de cassation confirme le caractère exclusif de la demande d’ouverture de procédure collective.
II. Les exceptions au caractère exclusif de la demande d’ouverture de procédure collective
A. Les exceptions
L’article R.631-2 alinéa 2 du code de commerce interdit le créancier de formuler d’autres demandes relatives au patrimoine. En effet, ce patrimoine fait déjà l’objet d’une demande d’ouverture de redressement judiciaire.
Toutefois, l’article R.640-1 alinéa 2 du code de commerce vient proposer une alternative.
En effet, cet article dispose que :
» La demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire présentée par un créancier est à peine d’irrecevabilité, qui doit être soulevée d’office, exclusive de toute autre demande, à l’exception d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire formée à titre subsidiaire. »
Le créancier pourra donc, à titre principal, assigner le débiteur en redressement judiciaire et, à titre subsidiaire, demander l’ouverture d’une liquidation judiciaire lorsque le redressement du débiteur est manifestement impossible.
Cependant, il convient de préciser que le caractère exclusif de la demande ne s’applique qu’au redressement et à la liquidation judiciaire.
En effet, dans un arrêt du 9 juillet 2013, la cour de cassation avait limité la portée de cette règle. Ainsi, cette règle ne s’appliquerait pas à la demande d’extension de procédure à l’encontre du gérant.
En l’espèce, le gérant faisait l’objet d’une demande en extension de procédure à titre principal. A titre subsidiaire, il risquait une condamnation à
supporter l’insuffisance d’actif de la société.
B. L’intérêt de caractère exclusif
L’intérêt de cette règle est de préserver le débiteur de tentatives de pression de son créancier. En effet, ce dernier pourrait brandir la menace de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
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